Julie (en 12 chapitres) Danemark, France, Norvège, Suède 2021 – 128min.

Critique du film

Once upon a time in Oslo

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Pour son cinquième long-métrage, le réalisateur et scénariste norvégien Joachim Trier nous embarque dans les tribulations amoureuses et existentielles de Julie. Une performance survitaminée qui vaudra à son actrice un prix d’interprétation à Cannes.

D’une fac à l’autre, après médecine, ce sera psychologie, puis photographie ; du haut de ses à peine 30 ans, Julie (Renate Reinsve) se cherche encore, questionne et tente les différentes formules. Mais alors qu’elle rencontre un célèbre auteur de BD de quinze ans son aîné (Anders Danielsen Lie), une certaine stabilité s’installe, la vie s’apaise. Les tourtereaux emménagent ensemble, mais la différence d’âge et les désirs d’enfant viendront sonner le glas d’une relation qui avait pourtant tout d’une idylle. Et puis Julie rencontre un autre homme à un mariage où elle s’est invitée.

Une histoire plongée dans une ville si chère à son auteur ; Oslo observait déjà en 2017 les pérégrinations sentimentales d’Eili Harboe dans une intrigue inspirée par les films de Brian De Palma et de David Cronenberg. Figure de proue d’un certain renouveau du cinéma scandinave, Joachim Trier s’offrait même un passage éclair à Hollywood avec Back Home et le voilà de retour en compagnie d’une Renate Reinsve solaire et à l’euphorie contagieuse, elle qui tente désespérément de donner du sens au cirque existentiel. Aperçue dans Oslo, 31 août (2011) de Trier lui-même, aux côtés d’ailleurs de Anders Danielsen Lie, Renate Reinsve avait presque raccroché avant qu’il ne la rappelle. L’actrice et sa bonhomie sont de tous les plans.

Un titre programmatique ; découpée en 12 chapitres, parmi lesquels «Infidélité», «Fellation à l’ère #MeToo», ou encore «Tout a une fin», et accompagnée de voix-off, la vie de Julie s’oppose au rationalisme élémentaire, aux prophéties autoréalisatrices et au dictat intarissable de la maternité et de l’érection apollonienne. Une jeune femme constamment partagée entre son besoin irrépressible de folie vive, de liberté et de confort. Symptomatique, en somme, des milléniaux et de ses contemporains occidentaux.

Sous ses airs de fable un peu légère, le scénario proposé par Joachim Trier, et son bras droit scénaristique de toujours Eskil Vogt, est un lumineux train fantôme au cœur des angoisses de son personnage. Un train qui déambule et dévie de cette voie qui le retrouve chaque fois, fait de gentils Caspers et de Boogeymen hallucinogènes ; ceux-là même qui murmurent à l’oreille de Julie des histoires du temps qui passe, d’amour éclaté et de maternité obligatoire.

À la fois contemplative, hyperactive, coupable peut-être d’un peu de remplissage musical et de caméras langoureuses, l’étude enjôle son personnage et traverse ses états d’âme avec une proximité parfois irritante. La mise en scène n’en reste pas moins clinique, inspirée, attentionnée, déchirante, un trip sous champignons venant d’ailleurs celer la joliesse du cinéma de Joachin Trier.

Au cinéma les vagues à l'âme existentiels ont porté bien des masques : explosivement pops avec Margot Robbit dans le corps d’Harley Quinn, nihiliste et légendaire avec Jeff Bridges portant le gilet du « Dude », ou surnaturels dans le précédent métrage de Joachin Trier. D’autres demanderont même à un tableau de vieillir à leur place… En définitive, Julie (en 12 chapitres) virevolte assez proche du réel ; une déambulation existentielle un peu classique et découpée en 12 chapitres inspirés, mais inégaux. Alors aussi virevoltante soit son actrice, peut-être aurions-nous préféré rire de l’existence plutôt que d’assister, impuissants, au spectacle de l’irréversible.

13.10.2021

3.5

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Commentaires

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bustan

il y a 2 ans

D'accord avec mon préopinant. La bande-annonce pourrait laisser craindre un film un peu lourd, ce n'est pas du tout le cas. Joachim Trier a un vrai talent pour raconter une histoire, qu'il parsème de pointes d'humour. a scène de la rencontre entre Eivind et Julia est sans doute la meilleure que je n'aie jamais vu au cinéma. J'en rêve encore. Les acteurs sont excellent et quand le film s'achève, c'est comme si on devait dire adieu à des amis. Je veux maintenant en savoir plus sur ce Joaquim TrierVoir plus


CineFiliK

il y a 2 ans

“Avant de nous dire adieu”

A bientôt 30 ans, Julie ne sait toujours pas bien ce qu’elle veut. Quant à sa relation avec Aksel qui souhaite un enfant, elle ne la satisfait plus.

Bonne élève depuis toujours, la jeune femme a commencé par faire médecine attirée par son côté sélectif. Puis ce fut psychologie, afin de s’éloigner du corps pour aborder les sentiments, les idées et les comportements. Mais l’art l’attirait également. La photographie ou l’écriture pourraient-elles enfin la combler ? En attendant de le savoir, il lui faut travailler dans une librairie. Entre deux pulsions professionnelles, Julie cumule aussi les Roméo. Serait-elle la pire personne au monde ?

En choisissant de raconter ce bout de vie, ses amours et ses errances, en douze chapitres cernés d’un prologue et d’un épilogue, le film pourrait lasser avant même qu’il ne commence. Une telle histoire est plus que rabâchée sur le grand écran et ailleurs. Et pourtant, il souffle comme un vent norvégien de fraîcheur sur ce roman, sur cette romance douce-amère qui nous emporte. Dans ses indécisions, Mademoiselle Julie – Renate Reinsve – charme par son sourire et sa bienveillance, alors que sa virevoltante jumelle Anaïs se démarquait surtout par son égocentrisme. Ses amants passagers, elle les a véritablement aimés et les aime encore, jalons précieux de son parcours.

La mise en scène de Joachim Trier enrobe ses espoirs et ses doutes d’une poésie tendre. Un début jazzy à la Woody Allen permettant à l’héroïne de s’interroger avec humour sur la maternité, la pression patriarcale et la fellation post #metoo. L’effet séduction ensuite où l’on raisonne sur les limites de la fidélité en échangeant secrets et fumée comme de chastes baisers. Noces et nuits blanches dans Oslo. Puis un arrêt sur image au moyen d’un simple interrupteur. Quand la passion nous illumine, le monde autour se fige et l’on se met à courir. Car tout a une fin et quand celle-ci arrive trop tôt, il convient de regarder en arrière avant de dire adieu. Ne resteront que les souvenirs, les remords et les regrets. Des photographies que l’on aurait peut-être voulu retoucher.

(8.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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