L'homme de la cave France 2019 – 114min.

Critique du film

Le doute engendre violence et interrogations

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette) adapte une histoire vécue par un couple d’amis proches. La vente d’une cave se transforme en un panier de crabes, entraînant des turbulences et des remises en question dans un mariage pourtant solide et uni.

À Paris, Simon Sandberg (Jérémie Renier) et sa femme Hélène Sandberg (Bérénice Bejo) vendent leur cave à un homme, Jacques Fonzic (François Cluzet). L’homme aux cheveux longs et grisonnants se dit prof d’histoire au chômage, endeuillé par le décès récent de sa mère. Le courant passe bien entre Simon et Jacques, la vente est donc conclue rapidement. Mais il s’avère que l’étrange personnage s’installe physiquement dans cette cave, bousculant la vie du voisinage et du couple. C’est surtout ses idées qui viendront mettre le feu aux poudres.

Dans un genre de thriller, où une simple vente de cave fait tout dérailler, L’Homme de la cave se mue en parangon de notre ère : la remise en question d’une vérité acceptée de tous. Un sujet qui se juxtapose à merveille sur notre période actuelle et la remise en cause du vaccin, voire des origines du virus. Un thème très actuel qui soumet les individus à des pulsions violentes, à des débats acharnés. Accepter autre chose, se poser comme un esprit libre et détaché des idées inculquées, quitte à souiller un héritage lourd et encombrant. Dans « L’Homme de la cave », cette fois-ci, il est question de négationnisme. Jacques Fonzic est un négationniste reconnu, mais se taxe d’individu voulant remettre en question la véracité des faits. Alors quand il loue la cave d’un Juif, n’est-ce pas une forme de provocation?

Le film est intéressant dans sa posture, dans son rythme très lancinant, laissant le spectateur se débattre dans une ambiguïté bienvenue: est-ce que Fonzic est un antisémite ou un simple « chercheur » comme il se plaît à le dire? Philippe Le Guay ne sombre pas dans le récit manichéen, il nous emmène dans une lente compréhension grâce aux différents personnages qui peuplent le récit. Une scène, par exemple, entre Simon et Hélène, autopsie cette fragilité de la vérité, la facilité avec laquelle un homme, avec des arguments valables, peut bousculer un discours établi de tous. Si bien que les thèses de Fonzic vont mettre à mal un couple soudé. Elles vont même impacter et rendre distante la fille du couple.

La mise en scène, très sobre, essaie de nous plonger au plus près d’un reclus, d’un énergumène enfermé dans sa cave lugubre - un labyrinthe physique, mais également mental pour y accéder. Cluzet, en grand théoricien d’une démocratie faussée, offre une performance convaincante, subtile quand l’histoire s’envenime à travers les confrontations avec Renier. Jérémie Renier fait le job, Bejo injecte un soupçon de recul, elle-même encastrée dans cette histoire rocambolesque. Au vu du sujet, L’Homme à la cave brosse un miroir de notre période, malgré une mise en scène un peu trop appuyée, mais nécessaire pour mesurer l’insidieuse emprise de Fonzic.

07.03.2022

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

“Parasite”

Simon Sandberg et son épouse Hélène désirent vendre leur cave pour pouvoir refaire la cuisine de leur appartement. Un certain Monsieur Fonzic la leur achète. Lorsqu’il s’y installe, le couple commence à comprendre son erreur.

En 2019, Parasite de Bong Joon-ho remportait tous les suffrages. Dans la maison et son sous-sol s’immisçaient des intrus renversant progressivement les valeurs et certitudes des riches propriétaires. Pas de lutte des classes ici, mais une réflexion sur l’antisémitisme et sa manière de distiller son venin. Des bas-fonds jusqu’aux étages supérieurs, il s’introduit dans les canalisations et se répand comme cette tâche de moisissure dans la salle-de-bains des Sandberg. L’indifférence, le mépris, le doute, la peur et la violence s’enchaînent. Une fois le ver dans la pomme, il empoisonne l’immeuble, la famille, puis le couple.

Dans un monde où le complotisme s’est revigoré après deux ans de pandémie, dans une France encline à la « zemmourisation », l’entreprise de Philippe Le Guay, basée sur des faits réels, intéresse. Mais que sa démonstration est lourde. Si François Cluzet peut convaincre sous ses airs de clochard à la voix posée, les autres personnages s’enferment petit à petit dans des réactions lapidaires. Le film devient schématique perdant toute crédibilité dans un affrontement final proche du grotesque. Manquant de subtilité, il aurait finalement gagné à jouer à fond les cartes du thriller et de la métaphore, à l’image de la Palme d’or coréenne, en faisant de cette cave lugubre où se terre le démoniaque, un décor véritablement horrifique.

(4.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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