El Buen patrón France, Espagne 2021 – 120min.

Critique du film

Soigner son image à tout prix

Irene Genhart
Critique du film: Irene Genhart

Encore une superbe performance de Javier Bardem ! Dans le rôle éponyme du « bon patron », la star espagnole use de tous les moyens possibles et imaginables pour faire gagner à son entreprise un prix prestigieux. Fernando León de Aranoa livre une satire mordante dans laquelle l’acteur se surpasse, une fois de plus.

Julio Blanco (Javier Bardem), homme charmant et éloquent, bénéficie d’une situation sociale confortable. Il dirige depuis quelques années l’usine de balances « Básculas Blanco » et a su s’en occuper avec sagesse, même en période de crise. Il connaît ses employés par leurs noms et les considère comme sa famille. En d’autres termes, on peut sans aucun doute le qualifier de « bon patron ». Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que son entreprise soit retenue pour un prix d’excellence de gestion. Confiant avant la visite de la commission d’évaluation, Blanco réunit le personnel et l’exhorte à se montrer sous son meilleur jour : si tout le monde se serre les coudes, le prix devrait leur être facilement attribué.

Or, tout n’est pas aussi rose qu’il n’y paraît chez « Básculas Blanco »… Déjà pendant le discours du patron, José (Óscar de la Fuente), récemment licencié, proteste bruyamment en arrière-plan. Une fois expulsé, le malheureux est contraint d’installer un campement à l’entrée de l’usine et exige publiquement sa réintégration. Les ennuis se poursuivent avec Miralles (Manolo Solo), ami d’enfance de Blanco et actuel directeur de production, qui traverse une crise conjugale endiablée et est si dissipé qu’il met en danger la chaîne de fabrication. Il n’y a alors plus qu’une chose à faire : Blanco doit, coûte que coûte, rétablir l’ordre.

Avec El Buen patrón, Fernando León de Aranoa poursuit son étude des rouages du monde du travail et de la société, tout en restant dans la continuité de ses précédentes collaborations avec Javier Bardem dans Les lundis au soleil (2003) et Escobar (2018). Le réalisateur suit le quotidien de l’entreprise durant une semaine, en sondant habilement la morale ambiguë de ses employés et en décortiquant avec délectation l’image, a priori immaculée, de son personnage principal.

L’impressionnante palette de jeu et la longue expérience de Javier Bardem permettent une interprétation jubilatoire de ce « buen patrón ». L’acteur fait de Blanco un patron tantôt bienveillant, capable d’engager le plus pauvre de ses employés comme jardinier ou d’inviter Miralles à dîner pour le soutenir, tantôt irresponsable et cynique, se lançant dans une aventure avec sa toute jeune stagiaire pour se détendre. Plus le temps passe, plus son jeu devient nerveux, à l’image de son personnage. Comme les discours et les conseils ne portent leurs fruits ni dans le cas de José, ni dans celui de Miralles, Blanco se voit contraint de recourir à des méthodes plus directes et bien moins éthiques.

El Buen patrón propose donc un récit léger et plein d’humour, tout en restant méchamment sarcastique et critique à l’égard de la société, notamment lorsqu’il s’agit d’exposer ouvertement le caractère manipulateur de son protagoniste. Julio Blanco n’est pas pour autant un personnage totalement antipathique, mais simplement un homme nuancé et ambitieux, cherchant à gérer au mieux son entreprise. Une nuance en grande partie due à Javier Bardem, une fois de plus au sommet de son art.

(Un texte initialement publié en allemand et librement adapté par Damien Brodard.)

21.06.2022

4

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Commentaires

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geradupo

il y a 1 an

Génial Javier Bardem!!


Dwarfy

il y a 1 an

Un très bon acteur et qql bonnes idées


vincenzobino

il y a 1 an

4.5: Prêt à tout
Blanco PDG de la société éponyme productrice de balances est dans la tourmente : son chef technique pensant être cocufie, un employé licencié, une jeune stagiaire et une visite pour un concours d’excellence pourraient lui faire perdre le contrôle...
Le voici donc ce phénomène espagnol, catalan plus exactement. Je m’y rendais en pensant à mon cadre professionnel assez proche du point de vue organigramme. Seul point commun pour cette jubilatoire expérience.
Dès la seconde séquence et une certaine attirance, le ton est donné : on ne va pas s’ennuyer. Et, entre la satire sur d’étranges législations ainsi que le cadre professionnel où toute personne travaillant dans une PME va se reconnaître, les fou-rires ne vont pas manquer sur les trois premiers quarts.
Arrive alors le dernier quart où les différentes crises alors annoncées se doivent d’être résolues pour éviter le KO. Et c’est ici que la description du Boss est vérifiée, de manière à la fois cruelle pour un employé et d’une force toute sauf morale délicieuse, pour autant que vous ayez une certaine expérience professionnelle vis-à-vis de l’entourage, ici magistralement Illustré par la jeunesse fougueuse, la quadrageniture atteinte et lasse et la retraite méritoire ou précoce.
Il faut sur un plan cinématographique rendre hommage au Boss de l’interprétation alias Javier Bardem grandiose, à la direction géniale de De Aranoa, et surtout au prix à payer pour atteindre l’excellence. À ne pas rater!!!
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