West Side Story Etats-Unis 2020 – 156min.

Critique du film

West Side Story à la sauce Spielberg

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux



Une refonte de « West Side Story » signée Steven Spielberg. Dans une version politisée de la comédie musicale phare des années 60 de Leonard Bernstein, Spielberg rend une copie plus sombre que l’originale.

Hop, rideau levé! Que ça danse, que ça chante dans ce quartier de New York qui s’apprête à être détruit pour laisser la place à des appartements luxueux. Dans ce chantier urbain débarque, au milieu des briques et de la crasse, les « Jets », emmenés par Riff (Mike Faist). Des claquements de doigts pour rassembler ses acolytes et pour ruiner un mur où trône un drapeau de Porto Rico. La bande rivale, les « Sharks » menés par Bernardo (David Alvarez), va affronter les « Jets » pour garder leur territoire inviolé. Mais bientôt, la sœur de Bernardo, Maria (Rachel Zegler), tombe amoureuse de Tony (Ansel Egort), l’un des membres des « Jets »?

L’amour plus fort que tout? Peut-il faire plier la haine, la rivalité, illuminer un passé sombre? Il faudra un alignement cosmique et des caméras aériennes pour conter cette romance scabreuse, virevoltante comme l’est un coup de foudre. Mais West Side Story ne laisse jamais éclater cet amour, laissant la chimie entre Egort et Zegler voguer en surface. Oui, Rachel Zegler a une voix magnifique, joue décemment, mais ne réussit jamais à emmener Ansel Egort dans son sillage amoureux. L’étincelle ne vient pas, celle qui pourtant brûlait entre Natalie Wood et Richard Beymer dans la version de 1961. Elle nous vient plutôt de Mike Faist (aperçu dans la série « Panic » d’Amazon), parfait dans son rôle de petite ordure à l’animosité débordante. Il est magnétique et instaure un véritable impact, le plus significatif des personnages du récit.

Peut-être que Spielberg passe à côté de son parti-pris: celui de transposer à notre époque cette comédie musicale légendaire des années 60. Alors nous pensons à Baz Luhrmann avec son « Romeo + Juliet » qui offrait une étonnante manière de se détacher du matériel original en plus d’un regard moderne. Hélas, il préfère s’en détourner. Mais le film amène une touche novatrice: l’espagnol. Un renouveau bilingue instauré depuis 2009 à Broadway, sur les planches - les échanges en espagnol sont nombreux et ne sont pas sous-titrés. Une nouveauté qui s’accompagne d’une autre: les 2 personnages principaux ont des histoires et des destins à porter, à incarner. Une idée intéressante qui peine à s’intégrer à la construction de la narration et aux partitions musicales. Parfois, le film manque de transitions fluides et perd en qualité.

Alors oui, le tourbillon dansant et chantant de l’amour possède ses atouts. Mais peut-être que donner autant d’importance à cette relation, et autant de temps à Anita (Ariana DeBose) ou, au personnage le plus superflu du récit, Valentina (Rita Moreno dans un rôle qui fait le pont avec le film de 1961) ne fait que nous détourner de la passion amoureuse. Il manque une dynamique pour que l’histoire prenne son envol - un souci d’écriture de la part du scénariste Tony Kushner. Une grande agitation que Spielberg dirige et emmène vers la fougue de la jeunesse, mais aussi vers la noirceur d’une époque. Et cette question persiste: peut-on comparer les 2 films? Disons que oui, disons que la version « spielbergienne » rend une copie plus sombre que l’œuvre originale, aux accents plus tragiques. Un contexte plus dramatique et sans grande euphorie. En 2021, West Side Story monte en flèche et fléchit, souvent. Mais il reste une fête, un spectacle chorégraphique amplifié par le savoir-faire de Steven Spielberg.

08.12.2021

3

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Commentaires

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Eric2017

il y a 2 ans

Il fallait oser s'attaquer et "dépoussiéré" cette comédie musicale de 1961. Et bien BRAVO Monsieur Spielberg. Bien que cette nouvelle version soit un peu plus violente que celle de Robert Wise, ça reste néanmoins un grand moment de cinéma. Les danses, les décors, les prises de vue, la photo tout y est magnifique. Jamais ennuyeux, cette version me semble plus proche donc plus adaptée à l'histoire originale. Le casting y est excellent et authentique(N. Wood n'avait rien d'une portoricaine même si son interprétation était parfaite). Petit clin d'oeil de Spielberg, on retrouve Rita Moreno dans le rôle de Valentina qui jouait Anita dans le film de 1961. (G-19.12.21)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


vincenzobino

il y a 2 ans

Welcome to America
Les années 1950 New-York: les Sharks d’origine portoricains et les Jets nés aux Etats-Unis se vouent une haine sans merci. Lorsque Maria la sœur de Bernardo leader des Sharks tombe amoureuse du Jet Tony, la guerre est inévitable.
La voici donc cette adaptation version XXIEME siècle de la sans doute plus célèbre comédie musicale américaine du XXÈME siècle. Une année après la retranscription ratée de Cats, ma première réaction était : pourquoi Diable s’attaquer à ma comédie musicale culte? La réponse apportée est brillante.
Pour quiconque connaît le spectacle ou le film de Wise, une première surprise sonore marque très vite l’originalité : plus de sifflets mais une autre illustration aiguë. Durant la première heure, la trace hommage est visible avec une impression première de conserver intacte la trace du binôme Bernstein/Sondheim tout en y confrontant une vision plus contemporaine Illustrée par cette impression de mélange des deux décennies (les 50’s et les années 2010) et une certaine retenue.
Arrive alors America: la chanson révolution et rupture : l’hommage est terminé, la touche personnelle arrive! Et si l’aspect récit est inchangé, le rythme musical et la thématique raciste peu évoquée dans l’original sont ici pleinement évoquées avec des instants absolument magiques comme ce verset supplémentaire de Somewhere donnant lieu à une géniale rencontre inter-génération où Valentina et Anita nous marquent.
Des chorégraphies magnifiques avec la fabuleuse voix de Rachel Ziegler qui n’a peut-être pas le charisme de Queen Natalie mais une magnifique émotion à l’instant du bilan, un génial générique final où tous les airs passent magnifiquement arrangé par David Newmann. La mission hommage est pour moi réussie, même si bien sûr elle ne détrônera pas l’original.
A recommander, vivement aux amoureux des sifflets et Mambas...Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


CineFiliK

il y a 2 ans

“Blood on the dance floor”

Dans le quartier de l’Upper West Side à Manhattan, Sharks et Jets se font la guerre, quand Maria et Tony tombent amoureux. Mais elle est portoricaine et lui issu de la classe ouvrière blanche.

Steven Spielberg s’attaque pour la première fois à la comédie musicale et choisit celle qui semble avoir bercé toute son enfance. Hommage respectueux à un incontournable du genre et dédicace finale d’un fils à son père. Dès les premières images froides et jaunies, l’on ressent l’envie de ne pas révolutionner l’ensemble. L’histoire peu inventive de Roméo et Julieta reste la même et les deux jeunes comédiens qui les incarnent – Ansel Elgort et Rachel Zegler – manquent hélas de charisme en comparaison de celles et ceux qui les entourent. Heureusement, la musique immuable de Leonard Bernstein résiste encore et longtemps une fois les lumières revenues. Et c’est dans les séquences chantées, attendues avec impatience, que l’art du réalisateur s’exprime le mieux. La caméra plonge et virevolte autour des acteurs qui s’affrontent jusqu’au sang sur la piste de danse. Les ombres envahissent les murs d’un quartier destiné à disparaître au profit, douce ironie, d’un temple futur voué aux arts de la scène. Les gangs de New York se battent et s’entretuent pour un territoire en ruine qui n’existe déjà plus. Supervisé par Rita Moreno, Anita oscarisée en 1961 et dans un nouveau rôle ici, Spielberg laisse la parole à de vrais Latinos sans maquiller leur peau comme ce fut le cas à l’époque dans le premier film. Mais son regard n’est guère optimiste. Dans l’America d’aujourd’hui et un monde de plus en plus divisé, reste-t-il une place pour le vivre-ensemble ?

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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