CH.FILM

Heidi en Chine France, Suisse 2020 – 82min.

Critique du film

Quand révolution maoïste rime avec drame familial

Camille Vignes
Critique du film: Camille Vignes

On dit souvent qu'un jour, toute personne cherche à connaître son histoire, ses origines. Et si François Yang avoue avoir longtemps mis de côté la sienne, allant jusqu’à la renier, son passé, enraciné à des milliers de kilomètres, s'est finalement imposé à lui.

Heidi en Chine est un dispositif très simple qui tire son nom de celui de la mère du réalisateur, et du voyage en Chine organisé par ce dernier pour le film, lancés sur les traces de leur famille, sur l'histoire des oncles et ses tantes du réalisateur, déchirés par le départ de leurs parents en France, par le retour en Chine de leur père - après le décès de leur mère -, par l'abandon en Europe de Heidi, et par la difficulté à survivre pour le reste de la famille dans une Chine en pleine révolution maoïste.

Né d'un père chinois, lui-même né en Chine mais ayant grandi à Taïwan, et d’une mère elle aussi chinoise, né à Paris alors que ses parents y habitaient pendant que son père rédigeait une thèse en philosophie, le réalisateur fribourgeois a finalement eu le goût de se plonger dans cette culture chinoise qu'il avait jusqu’alors rejetée. De cette décision en résulte ce documentaire intime et familiale, aux résonances universelles, dans lequel (hormis en de rares moments) François Yang s'efface derrière sa caméra pour laisser le champ libre à sa mère.

Ce n'est pas la première fois que François Yang parle de son histoire au cinéma. Déjà L'âme du tigre sorti en 2017 rendait compte de cette possibilité qu'a l'homme d'être forgé de plusieurs identités. Mais en offrant un documentaire aussi personnel que Heidi en Chine, le cinéaste tente de transcender son médium. De telle sorte qu’avec sa caméra intime, proche de ses personnages, certains moments réussissent à être d'une beauté poignante. La mélancolie indéniable des différents membres de la famille se mêle aux quelques les notes subtiles d'humour, sans pour autant prendre le pas sur certains témoignages, incroyablement forts et follement émouvants - la découverte du mutisme dans lequel s'est muré le frère aîné de la protagoniste, la séquence finale durant laquelle se confie le plus jeune frère, sans complexe ni tabou.

Heidi comprend ce qu’a été la vie de son père, François de son grand-père, une fois rentré dans son pays natal, et découvre bien plus en profondeur le drame vécu par sa famille de Chine, persécutée par le Parti Communiste. Avec ces témoignages le cinéaste tente de me de mêler petite et grande histoire et de rendre universel ce récit si personnel. Mais aussi saisissant qu’il soit, et aussi poignantes que soient les retrouvailles entre frères et sœurs, près de 40 ans après leur dernière rencontre, François Yang peine parfois à atteindre la grandeur des enjeux de son récit.

Et malheureusement, l'intime confine parfois à l’anecdotique, amoindrissant quelque peu le propos. Reste tout de même un montage signifiant, un jeu de réflexion sur cette Heidi qui semble finalement moins marquée par l'abandon de son père, la mort de sa mère et son déracinement total – elle qui ne se sent ni européenne ni chinoise - que ses frères et sœurs restés en Chine.

30.06.2020

3.5

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