CH.FILM

Beyto Suisse 2020 – 98min.

Critique du film

L’amour plus fort que l’honneur de la famille?

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Projeté au Festival du film de Zurich en septembre 2020 et présenté en ligne durant la semaine des nominés qui s’est tenue du 22 au 28 mars 2021 en vue du prix du cinéma suisse 2021, Beyto de Gitta Gsell confronte deux mondes et deux cultures à travers une histoire d’amour censurée par la tradition.

Beyto est un apprenti informaticien appliqué, un nageur prometteur et qui fait la fierté de ses parents turcs immigrés en Suisse. Le tableau serait idyllique si le jeune homme ne cachait pas quelque chose: son homosexualité. Pourtant, si bien gardé jusque-là, le secret éclate au grand jour lorsque Beyto s’amourache de Mike (Dimitri Stapfer), son entraîneur de natation. L’image de la famille parfaite en prend un sacré coup et pour noyer le poisson, les parents de Beyto décident de s’envoler pour la Turquie afin d’y marier leur fils avec une fille du village, une amie d’enfance de Beyto prénommée Seher. Un mariage vite expédié pour faire taire les rumeurs et remettre Beyto sur le droit chemin.

Fraîchement marié, Beyto rentre en Suisse avec ses parents et son épouse. Fatalement, le ménage à trois que forment Beyto, Mike et Seher se révèle rapidement invivable et chaque protagoniste devra s’affranchir de quelque chose ou de quelqu’un pour vivre sa vie comme il l’entend.

Réalisé par Gitta Gsell, et co-écrit avec Yusuf Yesilöz, Beyto oppose cœur et raison, pression familiale et libertés individuelles. Être homosexuel est une chose, mais être homosexuel dans une famille aux traditions solidement imprégnées et où la pression de la communauté annihile tout désir bifurquant de la prétendue norme en est une autre. Interprété par Burak Ates, à qui l’on peut reprocher un jeu souffrant d’un manque de nuances pour cette première apparition dans un long-métrage, Beyto est pris en étau entre deux mondes et deux cultures, entre sa raison refusant de décevoir ses parents et de souiller l’honneur familial, et son cœur n’imaginant pas d’autre alternative que de rester auprès de Mike, incarné impeccablement cette fois par Dimitri Stapfer. Le choix est cornélien pour le jeune homme à peine sorti de l’adolescence, vivant un amour foudroyant, aussi fort que fragile et mis à l’épreuve par les traditions et préjugés.

Gitta Gsell fait s’affronter deux univers: l’un en phase avec son temps, dans lequel l’ambiance contagieuse de la Gay Pride se répand à travers les rues helvétiques, l’autre traditionnel dans la campagne turque où une personne homosexuelle est encore considérée comme possédée par le diable. Dans encore bon nombre de cultures et pays, où le mariage arrangé n’est que routine et l’honneur familial la clé de voûte de traditions devenues obsolètes, qu’importe les désirs et ambitions, tant que les apparences sont sauves.

L’histoire peut sembler d’un autre âge, et pourtant! C’est bien dans notre époque que le récit est ancré. Lauréat du prix du public au dernier Festival du film de Soleure, Beyto témoigne d’une réalité encore bien présente dans diverses communautés, tragiquement banale et logiquement choquante.

19.05.2021

3

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Commentaires

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joellemaillard

il y a 2 ans

Très bien


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