Le chardonneret Etats-Unis 2019 – 150min.

Critique du film

Le chardonneret, cet oiseau de mauvais augure

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Adapté du roman éponyme signé Donna Tartt, couronné par un prix Pulitzer, Le Chardonneret est un film dense, chargé de nombreux allers-retours entre le présent et le passé. Un tableau comme dernier lien maternel, comme totem existentiel. Ansel Elgort y est solide.

Théo Decker (Oakes Fegley) se retrouve orphelin après un attentat au Metropolitan Museum de New York. Théo est recueilli par une famille bourgeoise, les Barbour. Un nouveau chapitre s’ouvre pour le gamin, reconstruisant sa toute nouvelle vie. Un père qui a pris ses jambes à son cou, une mère décédée, le jeune garçon n’a plus qu’un tableau qu’il garde secrètement avec lui: «Le Chardonneret» de Carel Fabritius. C’est un vieil homme, sous les gravats, proche de passer l’arme à gauche, qui lui ordonne de l’embarquer avec lui, avec en prime une bague où il est inscrit Blackwell. Deux objets pour un avenir incertain.

La photographie de Roger Deakins (Blade Runner 2049), la narration parfois poussive, enchâssant différentes temporalités, bercée dans une subtile élégance, Le Chardonneret a ce quelque chose qui vous embarque sous d’autres cieux. Un musée lumineux, où sont dressées des fresques inestimables, puis le carnage, un champ de ruines. Théo Decker se trouve là, au milieu des gravats. Tout se bouscule. Après la catastrophe, le voici catapulté dans cette famille riche et guindée. Il s'y sent comme de trop, avant que son père ne lui fasse la surprise (désagréable) de l’embarquer à Las Vegas. Un quartier abandonné, au milieu de nulle part, à l’atmosphère climatisée, aride. Le désert du Nevada pour nouvelle maison, Boris (Finn Wolfhard), rencontré à l’école, est son nouveau voisin et ami. Un jeune qui va lui faire découvrir la vie sous un autre angle, avec une pointe de légèreté et… de substances illicites.

Esseulé, victime de stress post-traumatique, Théo grandit - dorénavant sous les traits d’Ansel Egort - prisonnier du passé. Comme le musée après l’attentat, Théo reconstruit sa vie sur un champ de ruines. Orphelin, «Le Chardonneret» est ce dernier lien avec sa mère, cet oiseau enchaîné est à l’image de Théo: enchaîné à son passé, à son deuil. La solitude le guette. «On se déguise pour nous-même», détaille Théo. L’esprit avant le cœur, un jeune homme à la vie désincarnée. Un rôle où Ansel Elgort brille par son intériorité. Les échanges entre Elgort et Nicole Kidman, la matriarche de la famille Barbour, ont ce quelque chose de très maternel, de très authentique, voire subtil.

Une mère de substitution pour un jeune homme à la dérive. Impossible pour lui de s’envoler vers le bonheur. L’élégance de la mise en scène signée John Crowley (Brooklyn) réussit à contenir les errances d’une trop dense et trop étirée narration. L’œuvre de Donna Tartt demande beaucoup de temps et de mise en place, voguant entre l’Amérique et l’Europe. Difficile de tout balayer dans un format décent. Malgré les faiblesses, la rigidité, la poésie qu’en retire Crowley réussit à extraire un certain mysticisme d’un deuil rattaché à une défunte mère trop envahissante.

En bref!

L’élégance et la photographie sont les atours d’une œuvre qui aurait mérité plus de précision dans sa démarche. La densité du roman porte préjudice au film, à l’écriture trop désordonnée. Les ellipses sont souvent maladroites, mais cette intériorité et ce récit nous poussent à y rester enchaînés, à vivre à travers les failles béantes d’un jeune homme dragué par la douleur.

18.09.2019

3.5

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