Le Daim France 2019 – 77min.

Critique du film

Georges, le Daimgue

Lino Cassinat
Critique du film: Lino Cassinat

Si Quentin Dupieux jouit de l’image d’empereur du WTF, cela fait quelques films qu’on ne rigole plus vraiment de la même manière. Derrière les logiques ineptes de ses farces se dessine, depuis Réalité et Au poste!, une angoisse ténue et labyrinthique, et la folie douce de ses deux derniers films laissaient place, dans leurs fins respectives, à une folie plus dure. Le Daim propose d’aller encore plus loin dans le rire crispé en organisant un angoissant télescopage entre Barton Fink et Henry, portrait d’un serial killer mais tendance snuff movie.

Georges, un type 100 % normal, développe une obsession anormale pour une veste 100 % daim.

Malgré la présence de nombreuses scènes comiques absurdes, dont seul Quentin Dupieux a le secret, le réalisateur se met en effet véritablement en danger cette fois et pourrait perdre définitivement la partie de son public qui est restée sur les joyeux Rubber ou Steak. L’absurde déployé par Le Daim est en effet cette fois-ci plus grinçant que jamais, et la flamboyance naturelle de Jean Dujardin ne fait qu’amplifier encore l’état de trouble et de malaise que procure le film à mesure que son personnage s’enfonce dans les méandres de son esprit dérangé face à une flegmatique Adèle Haenel. Les deux forment un duo aussi inspiré que décalé, voire franchement fêlé.

Car il est bien question de folie ici, la vraie. Autant celle, traumatisante, de la déviance psychopathe, que celle, plus naïve, qui pousse à remonter Pulp Fiction dans l’ordre chronologique des événements. Le Daim surprend en radiographiant la psyché d’un fou, et en relatant avec précision son expérience du monde, d’une logique aussi inepte qu’imparable pour quiconque de normal. Par ricochet, c’est aussi probablement le film qui exprime le mieux l’obsession de Quentin Dupieux : la logique n’est qu’une construction humaine, et la réalité qu’un consensus ordonné par l’esprit humain et retournable comme un gant.

Aussi « Dupieusien » que soit le film, Quentin Dupieux en est également sa limite la plus évidente. Que ce soit par peur d’embrasser trop profondément l’abysse, ou par orgueil mal placé de petit malin, il se refuse constamment à prendre véritablement son univers au sérieux, de considérer qu’au fond, peut-être que tout cela n’est pas tant une blague que cela. Son traitement uniquement gaguesque de la violence en est l’exemple le plus frustrant. Alors qu’il touche régulièrement l’indicible du doigt, comme de peur de se brûler, le film fait un entrechat de côté. Frustrant, mais annonciateur d’un fabuleux brasier si un jour, souhaitable, Quentin Dupieux fait enfin un film avec plus que la simple envie de piéger son public.

En bref !

Le Daim est un film brillamment déroutant, probablement le plus particulier et unique de son auteur, mais qui se prend un peu à son propre piège.

29.05.2019

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Qui va à la chasse…”

Une rupture sentimentale entraîne Georges dans une errance routière durant laquelle il abandonne son blazer en velours côtelé pour une veste 100 % daim. Sous le charme, le cowboy solitaire s’attache à ce blouson jusqu’à en perdre la raison.

L’image est terne, délavée, presque floue. L’effet daté d’un rêve évanescent ou d’une photo oubliée. « Et si tu n’existais pas, dis-moi pourquoi j’existerais ? », chante Joe Dassin. Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Pourquoi ?

Bienvenue dans le monde imaginé par Quentin Dupieux. Un monde où un cuir fait danser les loups. Où les pastèques se dégustent sous la neige. Où les films se montent sans scénario. Une « absurderie » qui agacera vite les réfractaires, mais enjouera les téméraires, au-delà des limites de l’exercice.

Après I feel good, Jean Dujardin confirme une attirance pour ces individus en marge, funambules instables qui oscillent tant bien que mal entre le grotesque et l’inquiétant. Face à lui, Adèle Haenel fait plus que lui résister dans un jeu de domination amusant où prédateur et proie se confondent. Qui va à la chasse… perd sa place.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Eric2017

il y a 4 ans

77 minutes de cinéma pour un film que j'ai trouvé totalement nul. Pour moi il est impossible de rentrer dans ce genre de délire. Quentin Dupieux est tout simplement incompréhensible à mes yeux. J'avais aimé AU POSTE d'où le fait que je suis allé voir son dernier opus. Cannes a ovationné LE DAIM !!! Même le plus mauvais Godard reste plus intéressant. Et pour terminer, dire que le dernier Lelouch n'a pas trouvé de distributeur en Suisse ! Parfois c'est à ne rien y comprendre... (G-13.07.19)Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


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