Les oiseaux de passage Colombie, Danemark 2018 – 125min.

Critique du film

Thriller radical à l'aube du trafic de drogue

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Les oiseaux de passage, film à l’histoire violente et très actuelle, suit une famille d’indigènes devenue riche grâce à la vente de marijuana. Une oeuvre radicale, signée du talentueux duo Ciro Guerra et Cristina Gallego.



En 1968, la famille Wayuu se retrouve au centre d’une affaire en pleine expansion : le commerce de marijuana. Les « gringos » américains sont des proies toutes faites pour les Wayuu. Au sommet de la pyramide, Rapayet (José Acosta) et son associé Moises (Jhon Narvaez) ne vont cesser de multiplier les commandes de shit et par conséquent vont crouler sous l’argent. La naissance des cartels de drogue est amorcée.

La chronologie de l’histoire repose sur des faits réels distillés en plusieurs chapitres, 5 pour être précis. Le début des cartels. La légende de Pablo Escobar s’est sûrement forgée grâce à ces premiers Colombiens avides. Deux familles pourtant amies et liées vont perdre tout contrôle sur leurs prétentions pécuniaires. Plus les années passent, plus la richesse s’accumule. Les maisons, les armes deviennent omniprésentes à l’écran. L’argent coule à flot, certes, mais crée les premières échauffourées, les premières disputes et les premières pertes humaines. Le premier à perdre le contrôle est Moises, l’associé de Rapayet. Sa tendance à avoir la gâchette un peu facile va à l’encontre des valeurs familiales.

Ciro Guerra et Cristina Gallego (L’étreinte du serpent) ont trouvé un sujet à l’équation intéressante : entre honneur familial et héritage culturel dans ce coin de pays très pauvre, l’argent viendra vampiriser l’empreinte identitaire chère aux anciens d’une communauté réfractaire au capitalisme. Les premiers clients américains débinent le communisme au profit du capitalisme. Et le changement est radical : Rapayet s’est astreint d’une dot (10 vaches, 50 chèvres et des bracelets) pour pouvoir marier Zaida (Natalia Reyes). La Colombie des années 70 est encore loin des fantaisies escobariennes, mais elle s’en rapproche. Une radicalité narrative, au milieu d’une vendetta parfois ennuyeuse, mais aux fulgurances dévastatrices. Des discours exaltés, un engrenage désastreux où l’avidité détruit les coutumes ancestrales. Le traitement est sec, aride, terrible.

En bref !

Une immersion parfois brouillonne, sanglante, voire imprévisible. Le métrage fait l’élastique entre les excellentes séquences et les longueurs. Les quelques fulgurances nous rappellent que Les oiseaux de passage est un récit à la lisière de l’ennui, s’étirant, mais son équation entre coutumes et argent vous projette dans une réflexion et un thriller radical.

15.05.2019

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“L’étreinte du serpent”

Dans la Colombie reculée des années 60, Rapayet souhaite épouser la belle Zaida. Mais la dot exigée par la communauté Wayuu à laquelle elle appartient dépasse ses modestes moyens. Pour faire fortune, le jeune homme se lance dans le trafic de drogue.

Une danse endiablée pour commencer, séance de lutte et leçon de séduction. La femme ouvre ses ailes pour que reculent ses prétendants. Les traditions sont respectées. Mais dans cette région isolée, des oiseaux de passage deviennent de mauvais augures. Anticommunistes, les hippies américains sèment les graines du capitalisme. La marijuana se substitue au café. L’herbe folle attise les esprits. Argent, vanité et convoitise enveniment les âmes, les étouffant telle l’étreinte du serpent. Dans cette histoire de la violence, la guerre est déclarée. Les frères d’hier sont les ennemis d’aujourd’hui. Les oiseaux ne se cachent plus pour mourir.

Invitation au voyage. Entre tragédie grecque et fresque ethnologique, le film, basé sur des faits réels, chante la naissance des cartels colombiens. Malgré son exotisme et ses longueurs, le discours est limpide, quasi-programmatique. La caméra cadre et enferme ses corrompus dans leur malheur. Avec le temps, la parole est oubliée au profit des armes, voitures, vêtements et logements neufs. Mirage au milieu du désert, une villa digne du Corbusier. Dans ce néant, le luxe se transforme en bunker, prison dorée prête à exploser.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


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