Chien Belgique, France 2017 – 102min.

Critique du film

Chien

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Jacques Blanchot (Vincent Macaigne) a tout perdu: sa femme (Vanessa Paradis), son travail et son foyer. Abasourdi, il devient peu à peu étranger au monde jusqu’à ce que le patron d’une animalerie (Bouli Lanners) le recueille, et lentement, il se transforme en chien...

La peau démange, les cheveux tombent et les ongles jaunissent... La présence de Jacques déclenche chez sa femme un urticaire inouï. La maladie porte d’ailleurs son nom: une “Blanchoïte aiguë”. Certaines allergies se résorbent mais l’heure est aux dispositions sanitaires et l'éloignement des époux s’impose. Voilà le cafard sournoisement assommé et seul le spectateur y verra la violence absurde d’une séparation. Comble du drame, alors qu’il vient d’acheter un chien pour renouer du lien avec son fils, la bête meurt écrasée et il ira quand même aux leçons de dressage.

Loin d’un vieil homme et d’une épopée marine en solitaire chez Hemingway, Jacques Blanchot est un homme digne, mais dépouillé d’orgueil. Un homme frappé par l’absurde de son temps, délogé, déclassé, soumis. A l’image de cette scène où son patron s’élève et brandit un écran d’ordinateur comme un glaive pour fendre la larve, Jacques aura l’audace de ne pas résister. C’est un homme sans aucun cynisme, un homme de silence, ahuri, l’archétype de la lenteur désabusée. Et dans ce rôle Vincent Macaigne illumine de pittoresque.

La métamorphose est kafkaïenne et dans les scènes d’errance, Samuel Benchetrit rappelle le cauchemar industriel de Jack Nance dans Eraserhead (1977). Le petit patron, le brillant universitaire, la fortune de son épouse, la ségrégation administrative et Bouli Lanners lui, l’animalier dictatorial et morose; Jacques subit la domination des maîtres, mais son rôle de canin désenchanté le préserve de la frénésie des hommes. Lentement, il deviendra l’anti-héros d’une dystopie contemporaine.

La douce notoriété de Vanessa Paradis nourrit subtilement les rapports de force entre conjoints. Samuel Benchetrit pensera d’abord à Jean-Claude Van Damme, mais Bouli Lanners (Les Premiers, les Derniers, De Rouille et D’Os) personnifie une brute caverneuse et merveilleusement misanthrope. Preuve d’une profonde alchimie entre les acteurs, la genèse de la métamorphose: la première leçon de dressage.

D’aucuns trouveront la teneur du pitch un brin candide, mais le réalisateur compose une comédie sociale de genre, hilarante au dixième degré. La violence inattendue de la deuxième partie s'oppose à un final plus gentiment lissé, mais au fond, Samuel Benchetrit réalise une fable fabuleusement déprimante entre Becket et les dystopies SF.

20.02.2024

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 6 ans

“Plein la gueule”

La femme de Jacques lui annonce qu’elle est allergique à lui. Il quitte alors la maison, perd le chihuahua qu’il vient d’acheter et son travail dans la foulée. Acculé, l’homme trouve un semblant de réconfort dans une animalerie.

La vie serait-elle plus belle dans la peau d’un chien ? Ne plus penser, obéir simplement, échanger quelques léchouilles contre de vraies caresses. Une échappatoire à cette société plus dure que de la pierre. Une fuite bien moins absurde qu’il n’y paraît.

Bretelles d’autoroute et centrale nucléaire pour seul horizon, zones industrielles et commerciales désertées, que la banlieue décrite par Benchetrit inspire la déprime. Mais son regard sur le monde reste acéré. Avec ses yeux tristes de basset battu, Vincent Macaigne incarne idéalement cet être soumis qui brade son humanité pour quelques instants d’attention. Longtemps incapable de montrer les crocs et mordre l’injustice de sa situation, il suscite de l’empathie et le malaise. Faussement rassurante, plus belle est la fin qui se « métamorphose » en fable poétique.

6.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 6 ans


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