CH.FILM

A Long Way Home Suisse 2018 – 73min.

Critique du film

L’art et l’héritage de l’ère Mao

Prescilia Correnti
Critique du film: Prescilia Correnti

Dans son documentaire, Luc Schaedler met en lumière cinq artistes de la scène chinoise. Qu’ils soient danseurs, artistes dessinateurs, photographes ou encore poètes, ils ont tous vécu de près la période de l’ère Mao et plus encore, portent encore en eux aujourd’hui les stigmates de cette époque. A la fois ponts, relais et garants du passé, ces artistes sont là pour dénoncer et pour rappeler. A tout point de vue, A long Way Home commence comme un film « classique » sur les artistes, leur vie et leur travail, mais finalement va bien au-delà de ça.

Après avoir produit et écrit Made in Hong Kong en 1997, puis réalisé Angry Monk : Reflections on Tibet en 2005, puis Watermarks : Three letters from China, Luc Schaedler se prête pour la quatrième fois à l’exercice du documentaire avec A long Way Home et prouve une fois encore son amour pour le continent du Soleil Levant.

De prime abord, le film s’ouvre comme un documentaire classique sur la vie d’artiste. Gao Zhen commence à photographier sur le toit d’un immeuble le ciel étonnamment bleu et clair de Beijing avant de redescendre dans les couloirs obscurs de son espace de travail. A l’intérieur, Gao Zhen fait découvrir au spectateur son oeuvre et ses photographiques réalisées avec l’aide son frère, Gao Quin. L’oeuvre en question : une performance photographique datant de quinze ans en arrière et qui avait été rudement critiquée à son époque. Ce n’était d’ailleurs ni la première et la dernière fois que ces deux artistes, qui ont aujourd’hui atteint une renommée internationale, ont eu affaire à la censure chinoise.

Finalement au fil du documentaire, l’art ne devient plus le sujet principal du film, mais un fil conducteur permettant d’aborder le principal sujet de cette INTRIGUE : l’extrême violence de l’histoire récente de la Chine avec la révolution culturelle de Mao et du mouvement démocratique des étudiants en 1989. Mais si l’art a bien souvent servi à dénoncer en étant le support de la rébellion, il a aussi été un « art synonyme » au service de l’état et de la propagande. Comme le rappelle très amèrement l’ancienne danseuse Wen Hui, restée muette jusqu’à aujourd’hui, mais qui compte bien désormais exprimer au travers de la danse et de son corps, les souvenirs douloureux de son passé. « Etre un pont entre le passé et la jeunesse afin de ne pas oublier » comme elle le dit si bien.

Le titre du film est d’ailleurs un clin d’œil à l’un des intervenants du documentaire, Ye Fu, qui a vu l’un de ses livres publié en anglais sous le titre de Hard Way Home. Cet écrivain et poète, qui était autrefois un officier de police et qui a vécu de l’intérieur et au premier front les évènements tragiques de la place Tian'anmen à Beijing, a été le seul à adresser une lettre d’opposition au gouvernement chinois. Ce qui malheureusement a eu comme conséquence directe de l’envoyer en prison pour une peine de six ans. A l’heure où la Chine est toujours sous le joug d’une politique rude, héritage de l’ère Mao, le documentaire de Luc Schaedler devient une nécessité pour comprendre comment l’art est vu et contrôlé.

En bref ! A long Way Home offre à la fois un documentaire empli d’artistes et de leurs oeuvres engagées, comme c’est le cas avec l’artiste d’animation qui exprime la violence et la censure de la société au travers de son dessin-animé à priori innocent, mais le film de Luc Schaedler constitue un très bon document d’archive concernant l’héritage de Mao.

06.11.2018

4

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