Critique26. August 2021

«Reminiscence» - À la recherche des clés perdues

«Reminiscence» -  À la recherche des clés perdues
© 2021 Warner Bros. Ent.

La cinéaste Lisa Joy, qui s’est fait connaître en passant par les écuries ô combien brillantes de la série HBO «Westworld», signe ici son premier long-métrage. Une fable de science-fiction aux accents néo-noirs au milieu d’un monde englouti par les eaux.

Nick Bannister (Hugh Jackman) incarne ce médium et détective établi à Miami. Grâce à son invention, il a la capacité de replonger ses patients dans le bain de leurs souvenirs. Aux côtés de son employé (Thandiwe Newton), la petite entreprise subsiste tant bien que mal et lorsqu’une certaine Mae (Rebecca Ferguson) fait intrusion dans leur établissement, la vie de Nick bascule. Une romance d’un temps et puis une disparition soudaine, Nick n’aura de cesse d’explorer les méandres de cette curieuse affaire. Une enquête qui tourne à l’obsession et le voilà bientôt la victime de sa propre machine alors qu’il tente de retrouver celle qu’il aime.

Pour son premier long-métrage, la cinéaste américaine Lisa Joy a vu les choses en grand. À la fois scénariste, réalisatrice et productrice, elle multiplie les casquettes et pioche çà et là sur les étagères de nos vidéo-clubs préférés pour donner à sa pellicule le charme de nos rêveries néo-noires les plus folles. Si «Reminiscence» nous parle des souvenirs au milieu d’une laborieuse enquête avec son héros d’un genre à la Rick Deckard, Miami devient surtout l’étonnant laboratoire d’une urbanité en friche au milieu des eaux. Cinéaste issue de la cosmogonie «Westworld», Lisa Joy mêle les genres à son tour. À mi-chemin entre le Bradbury Building et la Louisiane d’après Katrina, elle emprunte aux années 80 et à l’urgence climatique pour dessiner ses décors. Aussi, une (di)vision plus horizontale des dystopies urbaines, là où les classes populaires épongent les vagues derrière de grands barrages alors que les Rockfeller de son monde constatent le désastre les chaussettes sèches, archisèches.

À mi-chemin entre le Bradbury Building et la Louisiane d’après Katrina...– Théo Metais

Un décorum léché et une CGI frôlant la désuétude, on croirait voir Hugh Jackman évoluer dans un jeu vidéo. D’un genre anti-héros à la stature grecque en prise avec des malfrats grossièrement caractérisés, Hugh Jackman ronfle dans les draps bien repassés d’une romance réchauffée avec une Rebecca Ferguson croisée à Jessica Rabbit. Un brin esthétisant, «Reminiscence» offre néanmoins une métaphysique bienvenue sur la mémoire et la nostalgie, derniers territoires connus pour échapper à la guerre et à la montée des eaux, et les parallèles avec la chape de dépression qui s’est abattue depuis la Covid sont tout tracés. Mais en science-fiction, être au diapason de son époque ne serait-ce pas déjà être en retard? Une attention contemporaine et un scénario aux accents prémonitoire, dommage que l’ensemble gravite autour d’une intrigue amoureuse dispensable et déjà dépassée.

«Reminiscence» - À la recherche des clés perdues
Hugh Jackman en promenade dans «Reminiscence» © 2021 Warner Bros. Ent.

«Vous allez faire un voyage, un voyage dans votre mémoire. Il vous suffit de suivre ma voix» entendra-t-on chaque fois qu’un nouveau patient se branche aux électrodes du bain-marie de ses souvenirs, et Hugh Jackman n’en finit plus de s’écouter penser, et nous de l’entendre. La proéminence de la voix-off ponctue l’isolement de celui qui s’est perdu dans les arcanes de son esprit et la narration prend des airs d’accessoire un peu cheap. À l’instar d’un Tom Hanks dans «A Hologram for the King», qui tentera en vain de vendre sa technologie, Lisa Joy et ses équipes fait la part belle à ses hologrammes (une technologie développée pour les besoins du film permettant de les filmer sous tous les angles) et paraît bien poussive. Mais elle n’en reste pas moins la cocréatrice de «Westworld» et voilà qui devrait suffire à convaincre l’auditoire. Un film sur la mémoire qui vous plonge inlassablement dans les galeries de vos souvenirs cinéphiles. Longtemps, je me suis couché de bonne heure…

3/5 ★

Depuis le 25 août au cinéma. Plus d'informations sur «Reminiscence».

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