Critique29. April 2021

«Petite fille» - Mother On A Mission

«Petite fille» - Mother On A Mission
© PRAESENS

«Petite fille» ou le récit d’une enfance pas comme les autres, brimée par un sexe attribué à la naissance et le combat d’une mère pour faire valoir l’existence de sa fille. Présenté en 2020 dans la très belle sélection Panorama du festival berlinois, l’excellent documentaire «Petite fille» trouve enfin le chemin des salles romandes.

Le réalisateur Sébastien Lifshitz dévoile le récit intimiste de la jeune Sasha, 7 ans, né garçon et qui vit et se sent comme une fille depuis l’âge de 3 ans. Le réalisateur donne la parole à sa mère dans son combat quotidien pour faire changer les consciences et offrir à sa fille l’enfance qu’elle mérite à l’école.

Trop masculine pour être une fille, trop fille pour être un garçon, à 7 ans, l’histoire de Sasha à l’école est celle d’une fille que l’on ne veut pas voir, accusée d’avoir succombé au lavage de cerveau de sa mère. Comment appréhender le regard des autres, pourquoi réprimer l’envie de porter une robe, comment se faire des amis, comment leur expliquer, et pourquoi le besoin répressif et systématique de devoir tout justifier.

Une fille que l’on ne veut pas voir...– Théo Metais

Sasha est une fille, «tout simple» c’est elle qui le résume le mieux. Le drame arrive par un sexe attribué à la naissance et de la mention «sexe: masculin» pour les institutions de la République. Et alors qu’une année scolaire se termine et qu’une nouvelle pointe le bout de son nez, sa mère ne cessera de se battre pour faire reconnaitre l’existence de Sasha en tant que fille auprès d’un corps enseignant sourd et atone.

«Petite fille» - Mother On A Mission
Sasha (au centre) entourée de sa famille dans «Petite fille» © PRAESENS

Le documentaire profite d’une narration intimiste et d’une quiétude rare pour finalement laisser libre cours aux interrogations de cette mère formidable qui confie aux docteurs et à la caméra ses angoisses, ses craintes et ses espoirs pour la vie future de sa jeune Sasha. Le socle familial est aussi solide que touchant. «C’est même pas une question de tolérance, c’est mon enfant, c’est comme ça» entendra-t-on de la bouche du père. Lorsqu’elle joue à Un, deux, trois, soleil, devant le miroir ou en souliers de paillettes dorées, «Petite fille» est aussi une ode à la famille et Sébastien Lifshitz nous promène dans cet écrin magnifique pour finalement nous montrer ce que personne ne semble vouloir comprendre.

L’émotion est sincère et la réalisation en retenue...– Théo Metais

Bientôt arriveront les rendez-vous avec une pédopsychiatre de l’hôpital Robert Debré à Paris pour parler de la dysphorie de genre, de la transidentité, d’une éventuelle médication à la puberté et de la future préservation de la fertilité. Un sacré cocktail pour une enfant de 7 ans accompagné des premières expériences douloureuses de transphobie notamment en classe de danse; et cette enseignante qui semble avoir une idée très arrêtée du Bolschoi chez les gamins. Il faudra voir sa mère témoigner et le visage de Sasha qui acquiesce. L’émotion est sincère et la réalisation en retenue. À l’instar du finalement discutable «Girl» de Lukas Dhont, la bouille de Sasha et la dévotion de sa mère vous cueillent pour leur authenticité.

«Petite fille» - Mother On A Mission
Sasha (au centre) avec sa famille à la plage dans «Petite fille» © PRAESENS

La musique est douce et la caméra jamais ne surjoue. Une facture d’une tranquillité apaisante, comme le souhait que rien du bruit n’atteigne jamais la vie de Sasha. Sa mère en a d’ailleurs fait sa mission, «c’est le combat de ma vie» dira-t-elle. Après «Adolescentes», Sébastien Lifshitz persiste dans l’excellence et nous offre un précieux moment de vie servi au milieu d’une leçon de documentaire. Bon voyage Sacha!

4,5/5 ★

«Petite fille» depuis le 28 avril au cinéma.

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