Critique19. Juni 2020 Theo Metais
Netflix: «Disclosure» - Anthropologie de la transidentité à Hollywood et à la télévision
Alors que le gouvernement polonais étend de manière inquiétante les zones "sans idéologie LGBT+", et que le mouvement «All Black Lives Matter», en soutien à la communauté trans, accompagne les évènements qui succèdent l’assassinat de George Floyd et Ahmaud Arbery, Netflix dévoile en ce mois de «Pride» le documentaire «Disclosure» du réalisateur Sam Feder. Présenté cette année à Sundance, «Disclosure» est une enclave fascinante dans les arcanes de la représentation de l’identité transgenre dans les films hollywoodiens et à la télévision. Un documentaire rare.
Voilà des décennies que Hollywood et la télévision façonnent la pensée populaire; berceaux de productions ethnocentrées, tantôt racistes, tantôt homophobes, transphobes, ou tristement maladroites lorsqu’elles se veulent progressistes. Dans «Disclosure», des icônes de la communauté transgenre comme Laverne Cox («Orange Is the New Black») ou Lilly Wachowski («Matrix») prennent la parole et critiquent avec véhémence ce que la culture pop a fait de l’identité transgenre. Des films de D. W. Griffith en passant par «The Silence of the Lambs», «Yentl», «The Crying Game», «Boys Don’t Cry», «Dirty Sexy Money», «The Danish Girl» ou encore le succès de la série «Pose», la transidentité à Hollywood et à la télévision est passée au crible.
Les chiffres sont alarmants, rien que ces dernières semaines: Riah Milton (Ohio) ou Dominique Fells (Pennsylvania), deux jeunes femmes transgenres et Afro-Américaines victimes d’homicides en ce mois de «Pride». Cette même «Pride» qui trouve ses origines après les émeutes de Stonewall à New York en 1969. À la fin des années 70, un mouvement s’élève dans les rues de Greenwich Village et deux noms deviennent emblématiques de la libération de la communauté LGBT+: Sylvia Rivera et Marsha P. Johnson, elle, retrouvée quelques jours plus tard dans la Hudson River. Et quand la question de la haine est posée, le cinéma n’est pas innocent.
Avec la force d’une leçon d’histoire (des médias), le montage et les interviews du documentaire de Sam Feder retracent les vicissitudes de l’industrie hollywoodienne lorsqu’il s’agit de la transidentité. Des personnalités comme Laverne Cox («Orange Is the New Black»), Lilly Wachowski («Matrix»), Yance Ford («Strong Island»), Mj Rodriguez («Pose»), Alexandra Billings («Transparent»), Jamie Clayton («The L Word»), Jazzmun («The 40 Year Old Virgin») et Chaz Bono («Becoming Chaz») reviennent sur une histoire déshumanisante.
«La culture populaire s’éclaire sous un nouveau jour...»
Des antagonistes d’Alfred Hitchcock en passant par «Dressed to Kill» (1980), les séries du type «Law & Order», la scène du viol de «Boy’s Don’t Cry» (1999), ou la nausée de «The Crying Game» (1992), «Disclosure» dévoile le récit complexe d’une industrie qui a fait de la communauté transgenre des clowns, des meurtriers psychopathes, des victimes cancéreuses, ou des travailleurs du sexe. Un système pourri à la moelle; aux origines du mal, toujours le manque de représentation de la communauté transgenre devant, et derrière la caméra.
«Disclosure», dont la réalisation a impliqué plus de 150 personnes trans, se veut aussi le témoin d’une histoire positive, pleine d’espoir, plus rassurante. Le documentaire revient, entre autres, sur le succès de la série «Pose» créée par le visionnaire Ryan Murphy, ou sur les destins hors normes de Candis Cayne et Laverne Cox devenue un emblème après son rôle dans la série «Orange Is the New Black». Le documentaire de Sam Feder est une fabuleuse leçon. Bouleversant notre regard, les préjugés tombent les uns après les autres, les mythes s'effondrent. Justice est rendue. La culture populaire s’éclaire sous un nouveau jour. Un documentaire indispensable!
4,5/5 ★
«Disclosure» est à découvrir dès aujourd'hui sur Netflix.
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