Critique28. September 2022

Netflix : «Dahmer» - Et Jeffrey Dahmer défraie à nouveau la chronique

Netflix : «Dahmer» - Et Jeffrey Dahmer défraie à nouveau la chronique
© Netflix

La culture populaire lui a déjà consacré bien des formats. Et voilà que la figure controversée de Jeffrey Dahmer fait son entrée dans le catalogue Netflix et défraie à nouveau la chronique sous la coupe du célèbre Ryan Murphy.

My Friend Dahmer

En 1991, les crimes du tueur en série Jeffrey Dahmer sont révélés au grand jour. Issu d’un foyer dysfonctionnel de l’Ohio, le jeune Dahmer subit une terrible enfance. Entre son père qui l’initie à la dissection amateur, et les multiples tentatives de suicide de sa mère, le jeune Jeffrey Dahmer n’aura nulle part où ancrer ses dérives d’enfant, sa psyché adolescente, et surtout personne à qui parler ni du sort qu’on lui réserve à l’école, ni de ses pulsions qui ne sont pas du goût des autres garçons de son âge.

Après avoir joué dans les célèbres «Pose» et autres «American Horror Story»; Evan Peters, connaît bien Ryan Murphy. L’acteur incarne celui à qui Netflix accorde à présent une série de 10 épisodes de près de 50 minutes. Près de 10 heures pour conter un personnage particulier dans l’histoire des tueurs en série des États-Unis, puisqu’une tendre bande dessinée lui avait été consacrée. Un formidable roman graphique mâtiné de l’univers des œuvres de Charles Burns, devenu célèbre au travers des dessins de Derf Backderf. L’auteur avait été en classe avec le monstre qui scandalisera l’Amérique et racontait à hauteur d’enfant cette amitié déroutante qui les unissait au lycée. Frappé d’humour et d’empathie, «My Friend Dahmer» avait cette ambivalence complexe. Et ses spasmes de devenir célèbres.

Qu’est-ce que Dahmer peut encore nous raconter?

En dépit du talent dont il a maintes fois fait preuve, la reprise de cette histoire par Ryan Murphy ne serait-elle pas discutable? Que peuvent bien nous raconter ces 10 heures qui n’aurait été élucidé par le passé? À l’orée du voyeurisme dans l’univers si convoité du true-crime sur Netflix, n’y aurait-il pas là le spectacle de trop? Pour répondre à cette question, sans doute faut-il simplement essayer de comprendre pourquoi le mythe de Jeffrey Dahmer peut, peut-être, encore être expliqué au-delà du simple boucher cannibale.

En effet, il y a bien des manières de raconter ces histoires à l’écran. Fathin Hakin par exemple, dans une innommable débauche de chair, racontait au travers de «Der goldene Handschuh»(2019) une forme de violence et d’horreur sociale inhérente au Hambourg des années 70. L’affaire Elisa Lam nous parle de synchronicité, la série «The Staircase» se fait le miroir des procès médiatique et des justices éclairs. Et si Ryan Murphy relie ici un peu trop rapidement les points entre le parcours d’un jeune adolescent perturbé, un jeune homosexuel à la marge de son époque et celui qui devient tueur en série, Dahmer peut peut-être encore se faire le récit d’une certaine Amérique, de ses travers, de ses contradictions et de ses traumas.

Netflix : «Dahmer» - Et Ryan Murphy s’empare d’un serial-killer
Niecy Nash dans «Dahmer» © Netflix

Et la série dans tout ça

Ainsi, «Dahmer», s’ouvre avec Glenda Cleveland (incarnée par Niecy Nash). Voisine qui partageait à l’époque son palier avec Dahmer et qui avait rapporté à la police l’odeur nauséabonde et les agissements suspects de son voisin. Une ouverture un peu programmatique, mais qui permet de rappeler les rapports de forces, le racisme et l’homophobie systémique. Ce n’est pas faute d’avoir alarmé les autorités. Personne ne l’écoute, et il faudra attendre la fuite à demi-nue d’une de ses victimes rescapée pour que Ryan Murpy nous ouvre les portes du thriller au seuil de l’antre de Dahmer. Aucune empathie ici, seule la volonté de mettre la main dans la plaie du diable. Et épisodes après épisodes, rien ne surnage sinon finalement le récit assez facile de ses différentes rencontres avec ses victimes et les flashback de l'enfance.

Ni testimonial, ni informatif, ni véritablement passionnant, rien n’y fera; pas même la solide performance d’Evan Peters pour maintenir le navire à flot, ni la mise en scène tout à fait sérieuse. À bien des égards, «Dahmer» aura des airs d’œuvre de commande, étirée pour correspondre au format sériel, et ainsi accompagner la sortie du documentaire Netflix consacré au tueur en série en octobre prochain. En définitive, et si cette histoire vous intéresse encore, nous ne saurions trop vous conseiller de retourner faire un tour du côté du formidable travail de Derf Backderf dans son livre «My Friend Dahmer».

2,5/5 ★

«Dahmer» est disponible sur Netflix depuis le 21 septembre.

Bande-annonce

La rédaction vous recommande aussi:

Cet article vous a plu ?


Commentaires 0

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement