Critique11. März 2021

Netflix «Caïd»: Immersion musclée et style coup de poing

Netflix «Caïd»: Immersion musclée et style coup de poing
© Netflix

Sur Netflix, 10 épisodes de 10 minutes pour une immersion musclée dans les cités françaises. Ange Basterga et Nicolas Lopez nous claquent une histoire tournant autour d’un clip de rap qui part en vrille.

Tony (Abdraman Diakité) est un taulard, tout juste sorti d’un séjour à l’ombre pour tourner un clip de rap. Franck (Sébastien Houbani) et son acolyte sont dépêchés par le label qui a repéré Tony sur les internets, pour «cliper» un son enregistré en prison. Mais l’arrivée du réalisateur et de son cadreur dans les quartiers chauds va tourner au vinaigre. Entre règlements de compte et trafic de drogue; tout peut s’embraser en une fraction de seconde.

David Ayer («Suicide Squad», «Fury») s’était déjà essayé au film en caméra subjective, immergeant le spectateur au cœur de l’action dans «End of Watch». Avec «Caïd», une série se voulant ultra rythmée et rappelant le moulage d’une web-série (découpée en 10 épisodes de 10 minutes), la patte d’Ayer s’affine, plaque son énergie sur celle d’une série telle que «Gomorra» et colle à ce style caractérisé par les jeux vidéo, comme le producteur et réalisateur Timour Bekmambetov l'avait utilisé dans «Unfriended» ou de manière différente avec «Hardcore Henry». La barbarie pour champ lexical, «Caïd» hurle son langage sauvage dans un quartier chaud, «inflammable» comme l’explique un éducateur spectateur des violences de la cité.

«Caïd» hurle son langage sauvage dans un quartier chaud– Sven Papaux

Tony (Abdraman Diakité) est l’élément central, le parrain de la rue, le dernier rempart avant l’embrasement. Épaulé par son bras droit, Moussa - inspiré du passé du comédien qui l’incarne, Mohamed Boudouh -, tout tourne autour de lui: le chef de bande, le futur rappeur appelé à briller. Il est surtout le personnage qui pose un regard désabusé sur son existence, sur le petit monde qui environne dans ce microcosme trouble et mouvementé. Un pas de retrait - très bref, mais judicieux - pour décrire une vie faite de violence et d’incertitude; le rap pour sortir la tête de l’eau et aspirer à une vie plus calme, plus spécialement pour protéger sa famille - sa sœur et son neveu. Le quartier est proche d’avoir sa peau, tout comme Franck (incarné par Sébastien Houbani, croisé notamment en 2016 dans le très beau «Noces»), éreinté par les appels multiples du label et fatigué de voir sa carrière stagner; ce clip est la conjonction de 2 hommes dans 2 navires différents, mais tous 2 à la dérive.

Netflix «Caïd»: Immersion musclée et style coup de poing
© Netflix

«Caïd», adapté d’un long-métrage des mêmes créateurs, touche au thriller found footage et maintient une tension constante dans l'affrontement entre 2 gangs. Le gang adverse est incarné par un fou à lier appelé Antoine (Idir Azougli). Et au milieu, les réalisateurs du clip, parachutés par le label pour coller au plus près de la vie d’un dealeur de drogue, vont tremper dans une expérience qui va rapidement devenir infiniment dangereuse et instable. Cette mise en scène caméra à l’épaule et du dispositif des GoPro portées sur la poitrine, insiste sur le désir de provoquer chez le spectateur une immersion totale et musclée dans un style coup de poing - semblable au cinéma d’horreur.

Format court et nerveux dopé aux cliffhangers...– Sven Papaux

Le langage fleuri, des échanges qu’on pense tout droit sortis du bouquin de David Lopez, «Fief», «Caïd» dépeint le tableau toujours explosif des banlieues chaudes, avec ses clichés et sa galerie de types détraqués, faisant régner leur autorité de gros malabars et de parrains de la mafia. Derrière les manigances, Tony - joué par un intéressant Abdraman Diakité - exprime une lassitude qui collerait à l’ambiance de ces jeunes voyous désillusionnés par la vie. Outre la petite pommade existentielle, l’action est plutôt bien tenue, aidée par son format court et nerveux dopé aux cliffhangers. Mais à force, la mise en scène «REC» couplée à «End of Watch» a tendance à devenir indigeste, nous baladant dans un style parfois sans saveur.

3/5 ★

«Sentinelle» est à découvrir sur Netflix.

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