Critique6. November 2019

«Midway» - La bataille faiblarde de Roland Emmerich

«Midway» - La bataille faiblarde de Roland Emmerich
© Ascot Elite Entertainment Group

Père des «Independence Day», «Godzilla» ou «The Day After Tomorrow», cela fait longtemps déjà que Roland Emmerich ne nous a rien offert de mémorable, cataclysmique voire simplement trépidant. Sortant l’armada boulimique des grandes batailles face à l’histoire, Emmerich nous livre un «Midway» d’une platitude déconcertante, à peine sauvé par son casting.

Bataille charnière du Pacifique pendant la Deuxième Guerre mondiale, «Midway» nous plonge dans les arcanes d’une frappe contre la flotte japonaise jusque-là invaincue. Après la débâcle de Pearl Harbor qui a laissé la flotte américaine dévastée, l’amiral japonais Isoroku Yamamoto (Etsushi Toyokawa) entend bien dégager les eaux des derniers porte-avions américains restant après la bataille de la mer de Corail. Mais c’était sans se douter que l’intelligence américaine avait décrypté le code japonais et que l'amiral Nimitz (Woody Harrelson) savait que la rencontre aurait lieu dans un petit atoll isolé du Pacifique nord: Midway. Une course contre la montre s’engage alors pour monter l’offensive qui renversera la flotte japonaise.

Dans un style très Roland Emmerich, «Midway» sort l’artillerie lourde pour nous faire ressentir un peu du vertige de l’une des plus grandes offensives de la Deuxième Guerre mondiale. Le scénario de Wes Tooke compose principalement du point de vue américain, bras dessus, bras dessous avec l’histoire de l’héroïque pilote Dick Best, interprété par Ed Skrein qui manque définitivement de crédibilité, et l’officier de l’intelligence Edwin Layton, campé par un Patrick Wilson sans anicroche, mais efficace. «Midway» relate les événements dans leur stricte chronologie historique, avec quelques enclaves bienvenues au sein de l'amirauté japonaise et des équipes de cryptologie américaines, mais Roland Emmerich coche inexorablement les cases du film de guerre. A l’instar de l’amiral Nimitz (assez subtile sous les traits Woody Harrelson), le réalisateur frappe très exactement là où on l’attend; «Midway» manque de souffle, de fantaisie, de surprise, de modernité et d’authenticité.

«Roland Emmerich s'enlise dans une rengaine héroïque aux portes de l’insupportable...»– Théo Metais

Si le style Emmerich est indubitablement lié à une forme d’héroïsme, «Midway» a néanmoins la délicatesse de s’adresser (un peu) aux underdogs et autres oubliés de l’histoire, on pense notamment aux scènes dans les entrailles de la cryptologie chez Joseph Rochefort (Brennan Brown, sensible et impeccable), au raid de Doolittle sur Tokyo (Aaron Eckhart), au clin d’œil à John Ford et son cameraman en plein raid aérien, ou à un mitrailleur backseat (Keean Johnson) qui subit la fougue héroïque inconsciente du pilote. Néanmoins, c’est dans le choix des balances que la fable s'effondre sur plus de deux heures. En effet, et alors que Ed Skrein s’élève pour nous réciter un énième discours (bien appris par cœur) pour motiver ses hommes (pire encore lorsqu’il nous sert la complainte du leader dans la chambre à coucher, lourdingue à souhait), on aurait aimé voir «Midway» se dérouler sous un angle d’approche plus contemporain, et Roland Emmerich s'enlise dans une rengaine héroïque aux portes de l’insupportable, et ce jusqu’aux tapes dans le dos et tape m’en cinq en tomber de rideau.

Luke Evans
Luke Evans © Ascot Elite Entertainment Group

Alors que Peter Jackson offrait au cinéma de guerre une expérience époustouflante dans «They Shall Not Grow Old», «Midway» est tartiné d’une CGI low-cost qui fait passer les matelots pour de polis G.I. Joe de remplissage, écrase des avions, fracasse des porte-avions dans un ramdam visuel inconsistant, effleure et oublie chacune des observations qui aurait offert à l’histoire un traitement novateur, et s’éclipse comme une brise insignifiante. Seuls Woody Harrelson et Patrick Wilson profiteront de l’aimable écriture de leurs personnages, Tadanobu Asano (Rear Admiral Tamon Yamaguchi), aussi. Jusqu’aux quatre bouts de dialogues machouillés par Nick Jonas et l’avion qu’il dézingue sous les honneurs pour, sans doute, justifier son nom sur l’affiche, la bobine de Roland Emmerich manquera de profondeur.

En bref!

Roland Emmerich peine une nouvelle fois à nous livrer de l'exceptionnel. Si «Midway» fonctionne un minimum, c’est sans doute pour sa dimension historique, plus que pour l'extrême platitude de son traitement.

2/5 ★

Plus d'informations sur «Midway». Dès aujourd'hui au cinéma.

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