Critique17. August 2021

«Deux» - L’amour fait mal et rend obsessionnel

«Deux» - L’amour fait mal et rend obsessionnel
© First Hand Films

Que de simples voisines, mais passionnément amoureuses l’une de l’autre. Dans «Deux», et pour son premier film, Filippo Meneghetti sculpte une belle histoire d’amour entre deux septuagénaires campées par Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Une surprise inattendue, délicate et touchante.

Nina (Barbara Sukowa) et Madeleine (Martine Chevallier) vivent dans le même immeuble, au dernier étage. Deux femmes sans histoire, qui aux yeux de tous ne sont que de simples voisines. Au quotidien, elles partagent leurs vies respectives, ensemble, sans que personne ne les connaisse vraiment. Même la fille de Madeleine, Anne (Léa Drucker), et son fils, Frédéric (Jérôme Varanfrain), ne la connaissent pas vraiment. Alors que l’amour traverse les deux appartements aux portes ouvertes, un drame vient fermer les portes du bonheur.

Les dialogues aux lourdes significations, les visages scrutés et caressés par la caméra de Meneghetti; «Deux» se fait le récit intime d’un amour qui persiste dans l’ombre des siens. Les non-dits, ces fameuses paroles tues et réfrénées. Le cinéaste en fait un bel exercice sur les amours silencieux, sans jamais verser dans le pathos. Un amour aussi profond que brutal, aussi saisissant qu’évanescent. Les dialogues, et bien entendu la peur du jugement d’autrui, procurent au film une tension, un vertige des sentiments. La délicatesse qu’adresse Meneghetti dans cette équation amoureuse relève parfois du sublime, d’une sincérité évidente, mais surtout d’une maîtrise ahurissante; jamais l’Italien ne tente le diable pour conter les amours de ces deux femmes.

La pudeur des sentiments, la sobriété des plans, un casting majestueux, «Deux» est la pépite inattendue.– Sven Papaux

Le drame arrivé, le spectre du changement radical bascule le film dans un tout autre registre. Le récit est scindé en deux, un avant et un après. Quand nous parlons de sublime, il y a un cri du cœur qui fait place à la nuit du cœur et la terrible sensation de voir son amour fou s’évaporer.

«Deux» - L’amour fait mal et rend obsessionnel
Léa Drucker et Martine Chevallier dans «Deux» © First Hand Films

La pudeur des sentiments, la sobriété des plans, un casting majestueux, «Deux» est la pépite inattendue. Cet amour qui vire à la pulsion, telle une drogue, malgré l’âge, se mue en prison. Filippo Meneghetti en parle avec une simplicité désarmante, bien aidé par une Barbara Sukowa aussi poignante que sa partenaire Martine Chevallier.

Le cinéaste en fait un bel exercice sur les amours silencieux, sans jamais verser dans le pathos.– Sven Papaux

Pour un premier film, Filippo Meneghetti signe une œuvre aboutie, qui carbure de bout en bout. «Deux» a ce réalisme et l’angoisse graduelle des plans qui tombent à l’eau, la faute au destin. Un huis-clos déstabilisant; une relation amoureuse pulsant entre les portes entrouvertes et glissant entre les murs et les couloirs, digne d’un cercueil des passions.

4,5/5 ★

Le 18 août au cinéma. Plus d'informations sur «Deux».

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