Article14. März 2023

Comment «A24» est devenue la fine fleur du cinéma indé américain

Comment «A24» est devenue la fine fleur du cinéma indé américain
© Pathé Films AG

Elle vient d’empocher une nouvelle poignée d’Oscars. L’occasion était toute trouvée pour s’intéresser du plus près à «A24», l’entreprise derrière «Everything Everywhere All at Once» et «The Whale», qui, en quelques années, s’est imposée comme l’acronyme le plus prestigieux en matière de cinéma indépendant à Hollywood.

Vous connaissez certainement leurs films, mais eux, vous les connaissez un peu moins. «A24», un acronyme minimaliste, une lettre et deux chiffres, pour un logo épuré sur fond blanc, à contre-courant du félin rugissant de la Metro Goldwin Mayer (MGM). Fondée en 2012 par David Fenkel et Daniel Katz, la société de distribution et de production des deux New-Yorkais cinéphiles est devenue en quelques années le label qualité du cinéma indépendant. Une réputation qui s’est forgée au gré de scénarios exigeants et surtout en marge des productions plus grands publics.

En témoigne le sulfureux «Spring Breakers» d’Harmony Korine en 2013, «The Witch» en 2016 qui lancera la carrière de l’actrice Anya Taylor-Joy et du cinéaste Robert Eggers, «Swiss Army Man» de Dan Kwan et Daniel Scheinert (qui viennent d’être oscarisés pour «Everything Everywhere All at Once»), ou encore «Moonlight» de Barry Jenkins (premier Oscar de la société), «Heredité» d'Ari Aster, et même le récent «Past Lives» ; l’amplitude scénaristique d’«A24» est aussi adulée que la qualité de leurs réalisations, aussi éclectiques et excentriques soient-elles.

«Spring Breakers», l'un des premiers succès d'«A24»

Lancée toutes voiles dehors, elle a même démarré en 2015 dans l’univers de la production pour la télévision. «Euphoria» et la déjà très controversée série «The Idol» comptent parmi les projets notables d'«A24» pour le petit écran. Un espace de liberté créative qui n’a d’ailleurs pas manqué de séduire Olivier Assayas. Le réalisateur français s’était rapproché de la maison new-yorkaise pour produire sa série «Irma Vep» en 2022 avec Alicia Vikander et Vincent Macaigne.

Et, porté par un marketing à la fois drôle et extrêmement pointu (cf. la multitude de produits dérivés proposée sur la boutique en ligne de l’entreprise), doucement la rumeur s’est propagée de par le monde. «A24» est même devenu un emblème à la mode à afficher sur son pull, sur sa casquette, sur son briquet... Le nec plus ultra étant peut-être même d’acquérir les prestigieuses rééditions des scénarios des films (ou les doigts hot-dogs d’«Everything Everywhere All at Once», au choix).

Souvent comparée à l’engouement que pouvait provoquer les films de la société Miramax dans les années 90, du haut de ses 11 années d’existence, la société a imposé de nouveaux standards esthétiques et culturels. Vanity Fair rappelle d’ailleurs qu’«A24» a mis moins de temps à remporter son premier Oscar que l’entreprise des frères Weinstein. Leur première statuette étant raflée en 1999 pour «Shakespeare in Love», près de deux décennies après la création du studio.

«Past Lives», l'un des grands films «A24» de 2023

Un succès éclair façonné à force d’Oscars donc, et d’une présence accrue dans les prestigieux festivals internationaux. En 2022, «A24» faisait notamment acquisition à Cannes de «Close» de Lukas Dhont, et la dernière Berlinale présentait les nouveaux «Past Lives» et «Talk To Me» (film d’horreur des Youtubeurs Danny Philippou et Michael Philippou). Soucieuse de ses auteur.e.s, attentive à l’air du temps, aux histoires singulières et à l’art du storytelling, la compagnie a même signé en 2018 un partenariat avec Apple afin de produire des films à destination de la plateforme Apple TV+ (cf. le récent «Causeway» avec Jennifer Lawrence).

Et pourtant, dans l’univers extrêmement polarisé du cinéma contemporain, la firme est peut-être l’une des rares à pouvoir se vanter de produire et de distribuer des long-métrages, hors blockbusters, que le public apprécie encore en salles. Devenue une garantie et un label de bon goût, une norme même, certes assez élitiste et générationnelle, il n’en reste pas moins que l’entreprise redessine un pan de la pop culture cinématographique. Discutable en ces termes, méfiez-vous tout de même, car la fièvre se propage et peut-être que, vous aussi, vous prononcerez bientôt «A24», ce cri de ralliement, comme d’autres se parlaient, jadis, en Klingon.

Plus d'informations sur «A24»

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