Critique8. Oktober 2019

«Chambre 212» - Vitrine d’un mariage décomposé

«Chambre 212» - Vitrine d’un mariage décomposé
© 2019 Xenix Filmdistribution GmbH

Présenté dans la section Un certain regard au dernier Festival de Cannes, «Chambre 212» de Christophe Honoré est une fenêtre sur cour à la Hitchcock, façon amour usé et fragilisé par les années. Une œuvre étonnante, à la justesse parfois délicieuse.

Après 20 ans de mariage, Maria (Chiara Mastroianni) et Richard (Benjamin Biolay) voient leur mariage s’étioler. Maria quitte le domicile conjugal pour s’installer juste en face, dans la chambre 212 d’un hôtel avec vue plongeante sur son propre appartement. L’occasion d’un retour sur son passé, une prise de conscience. Elle se demande si cette décision est la bonne. Pour lui répondre, des personnages de sa vie vont interférer avec sa solitude pour l’aider à répondre à ses questions.

Un couple qui vit comme frère et sœur, après 20 ans de mariage. Maria est volage, elle apprécie ses jeunes étudiants, elle, la professeur de droit. «La loi des couples qui durent: il faut des petites histoires de cul à gauche, à droite», dit Maria. Croqueuse d’hommes avertie qu’elle est. Christophe Honoré, après son superbe «Plaire, aimer et courir vite», démoule une poésie maniérée, belle à croquer, désabusée à en pleurer, impertinente. Ramener les fantômes du passé pour questionner Maria, usée par le mariage. «J’ai envie d’être seule.» Une phrase qu’elle lance à la face d’un Richard désemparé. Ce sera chambre 212, clin d’œil à l’article 212 du Code Civil, qu’elle verra Richard 20 ans plus jeune, sous les traits d’un excellent Vincent Lacoste. Débarque Irène Haffner (Camille Cottin), la professeure de piano que le jeune Richard fréquentait, ou encore la mère de Maria et même sa grand-mère. Le sermon de la matriarche. Un regard sur le temps, sur ses infidélités multiples. Les fantômes ressurgissent pour faire défiler la vie de Maria.

«Romanesque cette chambre 212, à la structure onirique et parfois insaisissable...»– Sven Papaux

Honoré esquisse la beauté et les malheurs du mariage. Le charme envoûtant et les fractures, les remous d’une relation continue. La narration propre de Honoré, des phrases au compte-gouttes, parfois vénéneuses et déchirantes. «Chambre 212» est ce huis-clos aussi théâtral que poétique. Un coup d’œil dans le rétro. Le temps nous aveugle. Le piano pour amplifier la mélancolie de la rupture, la neige tombante, à petits flocons. Les couleurs froides pour construire un espace-temps. Romanesque cette chambre 212, à la structure onirique et parfois insaisissable. Les règles du temps et de la tendresse ont un seul et même chef d’orchestre: Christophe Honoré. Ce moment d’égarement, où des acteurs de renom voyagent à travers les réminiscences de relations qu’ils pensaient enterrées à jamais.

En bref!

«Chambre 212» est un film à la cadence détonante, à la narration délicieuse où Chiara Mastroianni s’érige en maîtresse d’une histoire intemporelle et métaphysique. Honoré poursuit dans son cinéma romanesque, quasi unique, avec une patte comme le cinéma français en manque.

4/5 ★

Plus d'informations sur «Chambre 212». Au cinéma dès le 9 octobre.

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