Critique20. Februar 2023

Berlinale 2023 : «Superpower» - Sean Penn en porte-parole justicier pour l’Ukraine

Berlinale 2023 : «Superpower» - Sean Penn en porte-parole justicier pour l’Ukraine
© 2022. THE PEOPLE’S SERVANT

À l’occasion de la 73e Berlinale, l’acteur américain Sean Penn a présenté un documentaire, aux airs de blockbuster, sur l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky.

En 2019 en Ukraine, Volodymyr Zelensky, ancien acteur et humoriste, remporte le second tour des élections présidentielles avec 73% des suffrages. Il incarne un changement face aux oligarques corrompus et promet notamment de rendre à l’Ukraine ses territoires. Cinq ans après la révolution d’Euromaïdan, ce bouleversement politique n’a pas échappé à Sean Penn et Aaron Kaufman qui tentent de se rendre à Kyiv pour retracer le parcours de cet ancien du showbiz, aujourd’hui à la tête du pays. Et le 24 février 2022, alors que les premières frappes russes retentissent dans le ciel, Sean Penn est sur place, témoin du début de la guerre au travers de ses Ray-Ban fumées.

Pékin menace à nouveau de fournir des armes létales à Moscou, la vice-présidente américaine Kamala Harris vient d’accuser la Russie de “crimes contre l’humanité”, et voilà bientôt un an que l’Ukraine résiste dans cette guerre initiée par le maitre du Kremlin. C’est dans ce contexte pour le moins brûlant que la presse découvre «Superpower» à la 73e édition de la Berlinale, qui a lieu jusqu’au 26 février. Une édition tournée vers les maux contemporains, l’Iran et l’Ukraine notamment, et qui s’est ouverte d’ailleurs par une allocution vidéo du président Zelensky sur la scène du Berlinale Palast.

Un format hybride apparaît à l’écran; à la fois blockbuster, documentaire, flash-info, reportage à la première personne et récit d’immersion ; pot-pourri journalistique produit par Vice et à l’impartialité discutable, «Superpower» revient sur la métamorphose politique de Zelensky, lui, l’ancien comédien issu d’une famille juive et nourri à la langue de Pouchkine. Assorti de nombreux entretiens et d’images d’archives, Sean Penn, son co-réalisateur Aaron Kaufman, ainsi que le producteur Billy Smith, nous promènent dans les préparatifs de ce documentaire, puis sur la Place de l'Indépendance (haut lieu de la révolution ukrainienne en 2014), et jusque dans le bureau de Vitali Klitschko, ancien boxeur devenu maire de Kyiv.

N'en déplaise aux prédictions de ces correspondants américains qui débattent autour d’un diner de l’invasion russe, la guerre éclate le 24 février 2022. Et voilà que la star de «Harvey Milk» et «Mystic River» se retrouve au milieu de l’histoire. Bientôt, Penn (abasourdi, naïf, mais plein d’entrain) rencontre Zelensky dans son bunker, quelques instants seulement après les premières frappes. Hollywood se mêle aux relations diplomatiques internationales. La scène est surréaliste. Dès lors, les deux protagonistes développent une entente : l’un, touché par l’homme et les évènements, s’investit d’une mission, l’autre aurait bien besoin d’une voix apolitique pour porter le message de l’Ukraine.

Plus tard, muni de sa valisette, en train de traverser la frontière polonaise à pied, sur le plateau de Fox News, lors d’une séance spéciale de «Top Gun: Maverick», parmi les ruines de Kyiv ou dans les jardins présidentiels, lors de sa troisième rencontre avec Zelensky, nous l’aurons compris, «Superpower» est avant tout un plaidoyer pour l’Ukraine et un appel à l’action internationale ; mais il est aussi la mise en scène de son auteur - une American Spirit au bec et un Gin tonic à la main - dans sa mission de porte-parole justicier. Une mise en scène telle, qu'elle empiète, certes, sur son message, mais «Superpower» posera aussi la question de la responsabilité du cinéma, des festivals et des figures publiques dans le débat géopolitique international.

3/5 ★

Retrouvez tous nos articles sur la 73e Berlinale

La rédaction vous recommande aussi:

Cet article vous a plu ?


Commentaires 0

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement