Critique12. April 2022

«Anatomie d'un scandale» sur Netflix - Série pâlotte pour sujet brûlant

«Anatomie d'un scandale» sur Netflix - Série pâlotte pour sujet brûlant
© Netflix

Adaptation de la nouvelle éponyme de Sarah Vaughan avec un casting de choix, «Anatomie d'un scandale» avait tout d’une grande série, mais rate le coche.

Création de la prolifique S. J. Clarkson, dont les crédits à la télévision comptent certaines des séries les plus acclamées de ces dernières années; celle qui s’est fait les crocs dans «Succession» et «Orange Is the New Black», prend la barre d’une série d’anthologie. Un projet développé par David E. Kelley et Melissa James Gibson («Big Little Lies»), et qui avait de quoi redorer l’univers sériel avec une histoire cinglante au cœur d’un scandale sexuel à Westminster.

Michelle Dockery dans «Anatomie d'un scandale» © Netflix

Rupert Friend et Sienna Miller prêtent leurs talents à ce couple marié de la haute société londonienne. L’acteur incarne James Whitehouse, un jeune et talentueux politicien, empêtré dans les mailles d’une affaire de viol alors que Olivia Lytton (Naomi Scott), l’une de ses conquêtes, porte plainte. Sophie, son épouse, n’a d’autres choix que de prêcher son innocence. «He’s a good man» nous dit-elle, mais à mesure que l’homme est trainé en justice, un autre scandale refait surface. Étouffé depuis, il hante les glorieuses années universitaires de cette élite à Oxford. Dans un genre à la «The Riot Club» (2014) de Lone Scherfig, capé de sa soutane universitaire, James s’était offert, jadis, une nuit de débauche royaliste et diabolique. La boue d’antan fait le sel du présent. Une histoire que l’avocate de la défense (Michelle Dockery) ne connaît que trop bien.

La série qui nous intéresse est celle qui étudie les sources du scandale, et non le cirque qui s’ensuit...– Théo Metais

Récemment croisée dans «Charlie's Angels» (2020) aux côtés de Kirsten Stewart, Naomi Scott change de registre et trouve ici un rôle des plus exigeants. Il fut son amant, la voilà aujourd’hui à la barre, plaidant contre celui qu’elle avoue avoir aimé. Ainsi se posent les insondables questions du consentement et de la culpabilité chez celle que l’on accuse de ne pas avoir verbalisé le refus. Et la jeune femme de se refaire le film de cette nuit d’horreur. Il y avait là un sujet majeur, qui, traité succinctement sur six épisodes et mis à disposition sur les étalages Netflix, aurait pu avoir une résonance capitale. Et c’est un bien triste constat qui nous afflige, car la série n’embrasse jamais l’envergure du sujet qu’elle aborde. Finalement très superficielle, «Anatomie d'un scandale» s’alourdit de flashbacks à n’en plus finir et d’innombrables plans débullés (autrement appelés «Dutch tilt») pour appuyer les modestes lignes de dialogues. Tant bien que mal, la création essaye et oscille entre un mièvre divertissement et une grande série judiciaire. Même les plaidoiries, et aussi violentes soient-elles, ne parviennent à réellement convaincre.

«Anatomie d'un scandale» sur Netflix - Série palote pour sujet brûlant
Naomi Scott dans «Anatomie d'un scandale» © Netflix

La faute sans doute à une narration éclatée, esthétisante, monotone, sans véritable hauteur de vue ni originalité, un peu fébrile, d’un goût discutable et dont personne ne semble jamais se dépêtrer. Il paraissait impossible d’être à ce point complaisant avec un tel sujet, et pourtant. Adaptée de la nouvelle de Sarah Vaughan, qui approchait finalement peu le personnage d’Olivia, la série change le matériel orignal et manque à le rendre complètement convaincant. Pire lorsqu'elle se penche beaucoup (trop) sur le personnage de Sophie, qui ne cesse de se défendre et de comprendre comment son mari a pu devenir un violeur.

La série n’embrasse jamais l’envergure du sujet qu’elle aborde...– Théo Metais

Car au-delà de la dégringolade d’un homme de pouvoir avec ses privilèges, c’était la question du consentement qu’il fallait élucider. D’autres séries comme «I May Destroy You» en avait parlé, et de manière beaucoup plus réfléchie. Ursula Macfarlane laissait, avec beaucoup de subtilité, la parole aux victimes d’Harvey Weinstein dans «Untouchable» (2019) et finalement, si au cinéma le récent «Les Choses humaines» (2021) pouvait être sujet de discorde, le long-métrage a eu le mérite d’avoir exposé son sujet sous bien des angles. Et c’était peut-être tout ce que nous demandions, l’envie de décanter, sinon de disséquer, le chaos qui fait rage dans les deux camps, pour comprendre les relations de pouvoir, les multiples sources de la culture du viol et l’enfer de ces femmes dans leurs démarches, de la première plainte jusqu’au tribunal. La série qui nous intéresse est celle qui étudie les sources du scandale, et non le cirque qui s’ensuit. Certes, S. J. Clarkson remet à l'honneur un sujet crucial et qui, on l'espère, permettra de libérer la parole, sinon d'engager un dialogue chez celles et ceux qui s'aventuraient parmi les épisodes. Mais aussi curieux que cela puisse paraître, «Anatomie d'un scandale» a presque oublié de parler de son sujet.

2,5/5 ★

Une mini-série à découvrir le 15 avril sur Netflix.

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