Review14. Januar 2022

«Lamb» - Une croissance improbable

«Lamb» - Une croissance improbable
© Filmcoopi Zürich AG

De par la rudesse impressionnante de ses décors naturels, souvent le cinéma islandais dégage une aura intimidante. Et la première réalisation du cinéaste Valdimar Jóhannsson ne déroge pas à la règle. En effet, «Lamb» dévoile une histoire au rythme particulièrement lent dans une ferme où oscillent bonheur familial et mauvais présage.

Dans leur étable, María (Noomi Rapace) et son époux Ingvar (Hilmir Snær Guðnason) aident les agneaux à venir au monde. Une vie routinière qui ne demande que peu d’efforts aux deux fermiers. Mais voilà que tout change, dans leur regard se lit soudain l’inquiétude et la stupéfaction. Et plus étonnant encore, le couple recueille un jeune mouton qu’ils dorlotent comme leur propre enfant. Ada, c'est ainsi qu'ils le prénomment, est, semble-t-il, un être hybride entre l'homme et l'animal et grandit désormais comme un véritable enfant.

Une révélation fantasque à l’apparence improbable qui aurait pu déstabiliser le film, or chez Jóhannsson, le paranormal paraît bel et bien normal. Au lieu de remettre en question leur situation, María et Ingvar considèrent, au contraire, cette créature hybride comme un grand cadeau. Le public se prend alors au jeu de ce scénario familial singulier et la manière avec laquelle le cinéaste instruit des émotions bien réelles dans une intrigue surréaliste n’est pas sans rappeler le film «Titane» primé à Cannes ; un film qui malgré ses détails sanglants produisait une étonnante sensation de tendresse et de sécurité.

Chez Jóhannsson, le paranormal paraît bel et bien normal...– Christopher Diekhaus

Au rayon de l’étrange, si ce drame-mystère islandais est passionnant, c’est surtout de jouer sur les vibrations atmosphériques. Avec ses plans fixes, «Lamb» nous plonge dans l’austérité palpable de ce couple qui ne vit que pour accomplir des tâches quotidiennes et silencieuses, du moins avant l’apparition d’Ada. Le premier échange entre les deux époux n’a lieu d’ailleurs qu’après plus de neuf minutes et il ne fait aucun doute que quelque chose bouillonne dans l’air. Un mystère dont s’amusent allègrement le cinéaste et son coauteur Sjón (Sigurjón Birgir Sigurðsson).

«Lamb» - Une croissance improbable
© Filmcoopi Zürich AG

Un ermitage oppressant au creux des montagnes massives, abruptes et souvent enrobées de brume ; à l’unisson d’une musique discrète mais sourde et menaçante, et de ses animaux de ferme aux regards inquiétants. Une nature à l’écoute, organique, et les moutons ne seraient-ils pas jaloux de la position particulière d'Ada? L’installation, bien que temporaire, du frère d'Ingvar (incarné par Björn Hlynur Haraldsson) chez María ajoute à cette curieuse sensation d’étrange, et Valdimar Jóhannsson ne cesse de baliser sa pellicule de fanions annonciateurs de l’escalade à venir. Comme autant d’indices, «Lamb» exigera du spectateur une certaine patience et de l'attention, pour finalement percuter dans ses derniers instants. Un film qui ne manquera pas de diviser les esprits, mais «Lamb» est composé avec une telle force et une telle précision visuelle, que si la fin se précipite, elle ne pourra vraiment nuire à l’expérience globale d’un film si particulier.

3,5/5 ★

(Critique de Christopher Diekhaus, adaptée de l'allemand par Théo Metais)

Le 12 janvier au cinéma.

Plus d'informations sur «Lamb».

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