Interview9. Januar 2020

La réalisatrice Lulu Wang en interview pour «L'Adieu»: «La vérité est parfois plus étrange que la fiction»

La réalisatrice Lulu Wang en interview pour «L'Adieu»: «La vérité est parfois plus étrange que la fiction»
© Ascot Elite

Alors que la comédienne Nora Lum - a.k.a. Awkwafina - vient de décrocher un Golden Globe, sa présentation en septembre dernier au Festival du film de Zurich avait conquis l'Helvétie. En effet, «L'Adieu» est une fable existentielle d’une douceur rare; un coup de cœur indé, un coup de cœur tout simplement. À Zurich, nous avions rencontré la réalisatrice de 36 ans.

Une interview réalisée par Irina Blum lors du Festival du Film de Zurich en septembre 2019.

Depuis sa première présentation aux États-Unis, le film fait carton plein, quelles ont été les réactions de la communauté asiatique aux États-Unis?

Lulu Wang: C’est très émouvant, car je crois qu’ils ne se sont jamais vus à l’écran de cette manière. Les films sont soit américains, soit chinois; dans les films chinois, ils ne se reconnaissent pas culturellement et dans les films américains, ils ne ressemblent tout simplement pas aux personnages à l’écran.

Dès les premières minutes du film, on voit le personnage de Billi parler en mandarin avec sa grand-mère en Chine. Non seulement les Chinois, mais une forte population d'immigrés trouve dans le film le reflet de leur vie. Beaucoup de gens viennent me voir après la projection en pleurant pour m’expliquer qu'ils n'ont jamais rien vécu de tel auparavant.

Est-ce que le film a soulevé la controverse en abordant le sujet de la migration, avez-vous dû faire preuve d'une certaine diplomatie?

Lulu Wang: Mon père est diplomate (rires). Je ne pense pas que le sujet en lui-même soit controversé. Ceci étant, il a été difficile d'obtenir des financements pour le projet, et puisqu'aucun studio de cinéma n'était intéressé par l'histoire, je l'ai d'abord publiée sous forme de podcast dans l’émission «This American Life».

Ainsi les producteurs connaissaient déjà l'histoire. Finalement la controverse à propos de l'histoire était qu'il s'agissait d'un film américain à 75% parlé en chinois. C'était donc trop chinois pour les producteurs américains, et en Chine, le personnage principal était trop américain et l'histoire trop banale: bref on en était resté là. Il a été difficile de faire un film du point de vue de quelqu'un qui se trouve entre ces deux cultures.

Lulu Wang sur le tournage de «L'Adieu»
Lulu Wang sur le tournage de «L'Adieu» © IMDB

Comment Awkwafina, qui a commencé sa carrière comme rappeuse, s’est-elle retrouvée à jouer le personnage de Billi?

Lulu Wang: Alors je ne l’avais pas dans le radar, ce sont mes producteurs qui m’en ont parlé. De mon côté, je l'ai connue grâce à mon frère avec «My Vag». J'ai trouvé ça génial, mais je ne l’aurais jamais imaginée comme actrice, et encore moins comme actrice dans une tragicomédie.

Mais elle a lu le scénario et a été ravie. Elle a pu s'identifier au personnage parce qu'elle aussi a été élevée à New York par sa grand-mère chinoise et qu'elle sait exactement ce que ça ferait de la perdre. On s’est rencontrées à Brooklyn pour un café, puis elle a envoyé une cassette d'audition et j’ai su qu'elle serait géniale. Elle avait compris cette douleur, et ce que ça fait d’être constamment l’outsider.

Awkwafina et Shuzhen Zhao dans «L'Adieu»
Awkwafina et Shuzhen Zhao dans «L'Adieu» © Ascot Elite

Comment interprétez-vous la fin de votre film?

Lulu Wang: Dans «L'Adieu», il s'agit de dire au revoir. Chaque fois que je quitte la Chine, je dois dire au revoir à ma grand-mère en pensant que je ne la reverrai peut-être jamais - j'ai ce sentiment depuis 20 ans. Je ne peux donc pas répondre personnellement à la question éthique de savoir si le mensonge dans le film est un «bon mensonge». Ceci étant, je constate en effet que peut-être ce mensonge a pu l’aider. C’est un fait que je ne peux pas nier. Je veux laisser le spectateur sortir du cinéma avec le même conflit moral que moi: le tout est extrêmement compliqué.

De nombreux spectateurs avec une vision occidentale du monde condamneront certainement la famille pour avoir menti. Cependant, et lorsque vous regardez la vérité en face, cela vous fait réfléchir. Le film n'est pas de la pure fiction, au contraire il est basé sur une histoire vraie. La vérité est parfois plus étrange que la fiction.

Plus d'information sur «L'Adieu». A découvrir au cinéma depuis le 8 janvier.

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