Interview21. März 2023

Francine Lecoultre, costumière de Fribourg à Hollywood : «J'adore habiller les personnages maléfiques, le vert acide leur va bien»

Francine Lecoultre, costumière de Fribourg à Hollywood : «J'adore habiller les personnages maléfiques, le vert acide leur va bien»
© Thomas Delley / FIFF 2023

Costumière pour le cinéma depuis trente ans, Francine Lecoultre a donné une conférence sur son métier dans le cadre du Festival International du Film de Fribourg (FIFF). Une partie de ses créations sont réunies dans une exposition.

(Un article de Marine Guillain)

«Batman & Robin», «Il était une fois», «Shazam! La rage des Dieux» (sur les écrans dès le 29 mars), les séries «Westworld» et «WandaVision»… la liste des superproductions sur lesquelles Francine Lecoultre a travaillé est interminable. Pourtant, jusqu’au début des années 1990, la Fribourgeoise vivait dans son canton d’origine, où elle travaillait comme enseignante. Un congé sabbatique aux États-Unis provoque un déclic chez elle, à la suite duquel elle décide de s’installer à Los Angeles et de réaliser son rêve: devenir costumière de films.

«J'adore habiller les personnages maléfiques, le vert acide leur va bien», lance la septuagénaire en montrant l'image derrière elle d'«Hocus Pocus 2» (disponible depuis peu sur Disney+). «L'actrice Bette Midler porte mon costume pendant tout le film et on le voit même sur l'affiche, c'est une énorme visibilité.» Dans le nouvel opus de «Shazam!», Francine Lecoultre a justement créé les vêtements de Lucy Liu et Helen Mirren, les deux supervilaines du film. Les blockbusters et la science-fiction sont les spécialités de l'artisane, qui évoque fréquemment les matières des tissus qu'elle choisit: «Le relief et la texture sont importants à l'écran. Quant au plissé, il fonctionne bien avec le mouvement. La peau de serpent me fascine depuis toujours et j'aime l'utiliser, tout comme la structure du bois et des plantes.»

«Shazam! La rage des Dieux», avec les costumes de Francine Lecoultre

Savoir-faire et précision suisse

Née dans une fabrique de pierres fines pour l'horlogerie, Francine Lecoultre a toujours été fascinée par les machines et a appris à coudre très jeune. Pour celle qui a eu sa première télévision à l'âge de 35 ans et qui gère des équipes pouvant aller de dix à cinquante personnes, les tournages sont «de grosses machines réglées comme du papier à musique, sur lesquelles il faut être hyper organisés». Au cours de sa carrière, elle a connu le passage au numérique, puis à la 3D. «À choisir, je préfère le travail à la main, mais j'aime la combinaison des deux. Les costumes et le design évoluant constamment, c'est important de pouvoir se renouveler.»

Les projets sur lesquels la costumière s'engage durent généralement plusieurs mois. Il y a tout le travail en amont: se renseigner sur les époques, les personnages, trouver des idées... jusqu'aux tournages, avec leurs aléas et leurs imprévus. Quant au coût d'un costume, Francine Lecoultre restera muette sur la question, lâchant seulement que «leur budget représente généralement 10% du budget total d'un film».

«Il faut aussi savoir que tous les costumes ont des doublures. Parfois, ils en ont quatre, parfois vingt-cinq!» Et d'évoquer la robe d'Amy Adams dans «Il était une fois»: «Il fallait une robe de princesse avec beaucoup de texture, qui fasse un peu gâteau. Et puis il y avait la pluie, la boue, donc il y a eu quinze robes. L'originale comportait 500 cristaux Swarovski, qu'il fallait replacer exactement au même endroit sur chaque robe. Puis, quand on a eu tout terminé, Disney a demandé quinze doublures supplémentaires pour la campagne publicitaire!»

«Il était une fois», avec les costumes de Francine Lecoultre

Températures à prendre en compte

Outre les blockbusters américains, Francine Lecoultre a aussi tourné en Inde, en Chine, ou encore en Jamaïque. Elle a créé des vêtements pour du théâtre, des publicités, des spectacles, comme celui de la cérémonie d'ouverture d'Expo02, «pour des sirènes qui nageaient dans une eau à 6 degrés». Les facteurs climatiques faisant bien sûr partie intégrante du processus de création: «L'an passé, j'ai tourné dans le désert de Joshua Tree, où il faisait 50 degrés, et quelques mois plus tard, j'étais dans les montagnes du Chili pour un autre film, où on tournait la nuit à -10 degrés. Ces facteurs-là entrent toujours en compte pour vêtir les comédiens.»

Pour cette édition du FIFF, Francine Lecoultre fait partie du Jury de la Compétition internationale de longs métrages. Parallèlement, certains de ses costumes, tissus spéciaux, dessins, peintures ou objets emblématiques sont à découvrir à la galerie J.-J. Hofstetter jusqu'au 1er avril, dans le cadre de l’exposition Innovation & Science-fiction. Quant au FIFF, il se poursuit jusqu'au 26 mars.

La rédaction vous recommande aussi:

Is this article worth reading?


Comments 0

You have to sign in to submit comments.

Login & Signup