Interview19. Februar 2020

Interview avec Samir : “«Baghdad in My Shadow» est un pont entre l'Orient et l'Occident"

Interview avec Samir : “«Baghdad in My Shadow» est un pont entre l'Orient et l'Occident"

En interview le cinéaste irako-suisse Samir nous parle de ses liens avec l’Irak, d’un tournage intense et de son dernier long-métrage, «Baghdad in My Shadow», prix du public aux Journées de Soleure 2020. Sorti dans les salles alémaniques en 2019, «Baghdad in My Shadow» démarre ce 19 février dans les salles de Suisse romande.

Né à Bagdad en 1955, Samir est le fils d'une mère Suisse et d'un père Irakien. En 1961, ses parents ont déménagé en Suisse, où il a terminé un apprentissage de typographe à l'École de design, puis une formation de caméraman. Son film documentaire «Iraqi Odyssey» est sélectionné comme entrée suisse pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2016.

Interview de Laura Hohler

Samir, vous avez vécu à Bagdad étant enfant, quelle est votre relation avec l’Irak aujourd'hui?

En raison des recherches sur mon dernier film documentaire «Iraqi Odyssey» et ensuite pour «Baghdad in My Shadow», je me suis rendu en Irak de nombreuses fois depuis 2010. Grâce à mes précédents voyages, je dispose aussi aujourd’hui d'un vaste réseau de personnalités culturelles irakiennes et de politiciens. Actuellement, je reçois presque un message toutes les cinq minutes sur ce qui se passe à Bagdad.

Avant cela, mes relations étaient, disons, principalement familiales. J'ai encore cinq cousins, une tante et quelques grands-oncles et grandes-tantes là-bas. Grâce aux réseaux sociaux, j'en sais plus sur eux aujourd'hui que lorsque nous vivions tous dans le même quartier.

Depuis ses recherches pour son film «Iraqi Odyssey», Samir (à gauche) retrouve une thématique liée à la culture et l'histoire iranienne.
Depuis ses recherches pour son film «Iraqi Odyssey», Samir (à gauche) retrouve une thématique liée à la culture et l'histoire iranienne. © Dschoint Ventschr

Quels ont été vos critères pour sélectionner le casting de «Baghdad in My Shadow»?

Il y a eu en réalité plusieurs problèmes. Si Haytham Abdulrazaq, qui joue Taufiq, a pu m'ouvrir de nombreuses portes, puisqu'il est également professeur à l'académie de théâtre, lorsque nous avons tenté de caster le personnage homosexuel de Muhanad, par exemple, tous les candidats nous ont lâché. Et coïncidence, nous avons finalement trouvé un acteur irakien en Angleterre pour interpréter le rôle.

«Il était important pour moi que l'accent soit mis sur les Irakiens et leurs histoires.»– Samir

Puis nous avons aussi rencontré un problème pour le rôle d’Amal. Là pareil, j’ai d’abord cherché en Irak, mais la grande majorité des actrices ont subi des interventions de chirurgie esthétique majeures, et pour moi c’est rédhibitoire. J’aime énormément les visages, et je ne peux concevoir de les figer dans du botox. Et au-delà de ça, cela se serait vu sur les nombreux plans rapprochés du film.

C’est grâce à ma scénariste que l’on a trouvé Zahraa Ghandour. Il était très important pour moi que «Baghdad in My Shadow» ne soit pas un film eurocentrique, et que l'accent soit mis sur les Irakiens et leurs histoires.

Dans «Baghdad in My Shadow», Zahraa Ghandour joue le rôle d'une femme irakienne exilée qui a fui son mari à Londres.
Dans «Baghdad in My Shadow», Zahraa Ghandour joue le rôle d'une femme irakienne exilée qui a fui son mari à Londres. © Dschoint Ventschr

Combien de temps vous a-t-il fallu, vous et Furat al Jamil, pour développer le script?

En 2009, j'ai ébauché le concept du film et son scénario. Je connais Furat, avec qui j'ai développé le script, depuis déjà bien longtemps. Quand elle vivait à Berlin, je lui ai parlé du projet et ensuite nous avons écrit en tandem pendant trois ans.

Quand elle a décidé de retourner à Bagdad, c'est devenu un peu plus compliqué et j'ai dû terminer la dernière version par moi-même. Entre-temps, j’avais terminé le film documentaire «Iraqi Odyssey» en 2014, qui a été un grand succès, et ça a été beaucoup plus facile de financer «Baghdad in My Shadow».

«Baghdad in My Shadow» a été le film le plus épuisant de ma vie.»– Samir

L'actrice Zahraa Ghandour a failli se retirer du film car son rôle d'Amal pouvait lui causer des problèmes en Irak. Comment avez-vous géré?

En quelque sorte le film raconte son histoire, et comme elle se considère comme une féministe et une militante, elle a immédiatement compris quel était le sens du film. Néanmoins, quand sa mère a lu le scénario en secret et découvert que sa fille devait tourner une scène d'amour, elle a été furieuse et a menacé de l'interdire. Mais heureusement, elle a fini par accepter de faire partie du film.

Haytham Abdulrazaq est professeur à l'académie de théâtre, ce qui a ouvert des portes à la recherche de nouveaux acteurs.
Haytham Abdulrazaq est professeur à l'académie de théâtre, ce qui a ouvert des portes à la recherche de nouveaux acteurs. © Dschoint Ventschr

Quels ont été les autres défis du tournage?

Nous avons tourné en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en Irak. Je devais constamment mélanger mon équipe suisse avec les personnes sur place. C'était épuisant. Je dirais même que «Baghdad in My Shadow» a été le film le plus épuisant de ma vie. Il a aussi fallu se battre avec la bureaucratie en Angleterre et parfois à Bagdad ça a été littéralement le chaos. Vous ne pouvez pas vous fier à des processus structurés. Après le tournage, je suis rentré à la maison complètement rincé.

«Les problèmes tels que l'oppression des femmes, la religion et l'homosexualité sont abordés avec une grande hypocrisie dans le monde arabe.»– Samir

Avez-vous reçu des retours positifs venant d’Irak?

Il y a deux semaines, j'étais à Beyrouth (NDLR: interview publiée en allemand en novembre 2019), où il y avait une grande exposition sur les artistes irakiens. Il avait été organisé une projection spéciale de mon film et le public était extrêmement ravi. C'était totalement hallucinant, j'étais très heureux.

Pourquoi avez-vous choisi la communauté irakienne à Londres?

Parce qu'avec environ 700 000 Irakiens exilés, Londres possède l'une des plus grandes communautés d'Europe.

Le tabou sur l'homosexualité en Irak est au centre du film «Baghdad in My Shadow»
Le tabou sur l'homosexualité en Irak est au centre du film «Baghdad in My Shadow» © Dschoint Ventschr

Y a-t-il de quelconques liens autobiographiques entre vous et les protagonistes du film?

Le film est en effet de la fiction, ceci dit il est basé sur des histoires vraies avec lesquelles j'ai grandi. Des histoires que la vie a écrites.

Quel message selon-vous, «Baghdad in My Shadow» transmet-il au public?

«Baghdad in My Shadow» est un pont entre l'Orient et l'Occident. Le film traite de trois questions étroitement liées: les problèmes tels que l'oppression des femmes, la religion et l'homosexualité. Ces thématiques sont abordées avec une grande hypocrisie dans le monde arabe. L'autocritique est requise.

En Occident, je voudrais un peu contrer les préjugés et m'éloigner de l'image de la «société parallèle» soi-disant arriérée. Je voulais aussi montrer que ces gens ont exactement les mêmes problèmes, mais sont également sous la pression du racisme et du fanatisme religieux.

Enfin faut-il interpréter positivement la fin du film?

Absolument (rires).

Plus d'informations sur «Baghdad in My Shadow».

Ist dieser Artikel lesenswert?


Kommentare 0

Sie müssen sich zuerst einloggen um Kommentare zu verfassen.

Login & Registrierung