News21. September 2018

Festival du Film Français d‘Helvétie (FFFH) - Découvrez les critiques du Jury des Jeunes !

Festival du Film Français d‘Helvétie (FFFH) - Découvrez les critiques du Jury des Jeunes !
© FFFH

Pour sa 14ème édition, le FFFH a une nouvelle fois permis à quelques chanceux d’approcher le monde du cinéma par le biais de la critique. Cette année encore l’exercice fut passionnant, en voici les meilleurs textes.

Amin - Philippe Faucon

Critique par Aylin Pamuksaç

Amin raconte l’histoire d’un homme sénégalais venu en France pour gagner de l’argent pour sa famille. Évidemment, ce genre de geste demande des sacrifices et Amin voit donc très peu sa famille restée au pays et vit dans une chambre composée uniquement de quelques mètres carrés au sein d’un immeuble occupé par d’autres travailleurs étrangers comme lui.

Amin n’est pas une histoire qui commence à un point A et qui finit au point Z, non. Amin est un extrait d’un homme qui vit une situation vécue par beaucoup d’autres. On pourrait dire qu’on va plutôt de la lettre F à N par exemple. On ne sait pas comment a commencé cette envie de partir en France ni comment cela va finir ni même si ce genre de situation peut réellement avoir une fin.

Dans la monotonie de son quotidien en France, Amin trouve du réconfort auprès de Gabrielle, une femme fraîchement divorcée jouée par Emmanuelle Devos. Amin est en charge de la rénovation du jardin de cette dernière et un certain lien se noue entre ces deux âmes seules qui cherchent un certain réconfort. On ne peut pas dire que ce qui les unit c’est l’amour mais l’affection qu’ils ont l’un pour l’autre est indéniable.

Malheureusement, il peut être difficile de rentrer dans cette relation car il y a beaucoup d’ellipses dans leur histoire. Par exemple, entre le moment où Gabrielle offre un verre de jus d’orange à Amin et celui dans lequel ils se retrouvent dans un lit, il n’y a qu’une transition. De plus, les personnages sont très peu approfondis, comme si le réalisateur avait eu envie de leur donner un certain anonymat afin que davantage de personnages pourraient s’y reconnaître ou comme si cette histoire était finalement si banale qu’il ne faut pas trop élaborer les personnages et leurs relations afin de ne pas montrer une histoire unique mais bel et bien une situation qui peut encore se reproduire.

Le personnage le plus développé, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est donc ni Amin ni Gabrielle mais peut‑être la femme du travailleur resté au pays. Elle s’occupe des enfants et surtout, elle tente de s’imposer en tant que femme dans un monde d’hommes lorsqu’elle veut donner des directives pour la construction de sa nouvelle maison. Il aurait été intéressant d’en savoir un peu plus sur cette épouse très forte qui semble lucide sur ce que fait son mari en Europe…

Amin est donc un extrait d’une vie qui pourrait s’apparenter à beaucoup d’autres et qui montre avec un réalisme émotionnel le quotidien de divers personnages qu’on pourrait croiser au détour d’une rue.

Ceux qui travaillent - Antoine Rüssbach

Critique par Aylin Pamuksaç

Ceux qui travaillent suit Franck, un cinquantenaire qui a consacré sa vie au travail et qui a réussi à gravir les échelons. Il gère des cargos qu’il n’a jamais vu, accroché à son téléphone et aux dépens de sa vie familiale. Lors d’un jour de boulot ordinaire, il prend une décision qui n’est pas du goût de ses supérieurs et il se fait virer. Alors que son emploi était le centre de sa vie, il se voit désormais obligé de faire sans, mais pas question que sa femme et ses cinq enfants ne s’aperçoivent de quoi que ce soit. Tous les jours, il enfile alors son costume et fait semblant de se rendre sur son lieu de travail alors qu’il ne fait qu’errer un peu partout. Il essaie de retrouver un travail, mais à son âge et après la faute grave qu’il a commise, il est très difficile pour lui de se remettre sur le marché.

Le réalisateur ne prend pas parti sur ce qu’a fait son personnage mais il nous montre simplement comment celui‑ci tente de remonter la pente. L’accent est davantage mis sur l’histoire et le développement du personnage plutôt que sur l’esthétisme. L’image est très terne, il y a peu de lumière et cela vient peut-être du fait que la lumière semble s’être complètement éteinte en Frank. Les images du film sont aussi carrées et aussi droites que ne l’est son personnage principal. Même lorsque la plus jeune de ses filles, Mathilde, arrive avec toute son innocence sur le devant de la scène, les images restent presque monochromes.

Ce manque de couleur, ce personnage dur et le geste infâme qu’il a commis rendent très difficile au spectateur de s’attacher à quoi que ce soit. On suit, presque sans pitié, la descente aux enfers de cet homme qui pourtant semble avoir souffert mais qui ne le montre pas. Comment éprouver de l’empathie pour quelqu’un qui n’a pas l’air d’avoir mal ? La réponse ne semble pas encore être trouvée avec ce film qui manque peut‑être de profondeur dans le scénario et dans les personnages secondaires.

En Guerre - Stéphane Brizé

Critique par Louis Bögli

Stéphane Brizé, Vincent Lindon et un large groupe de figurants s’engagent dans une guerre contre le capitalisme perdue d’avance. Personne ne sera à l’abri, spectateurs compris.

Dans cette œuvre brutale, Lindon incarne Laurent Amédéo, un syndicaliste qui se bat corps et âme pour sauver les places de travail d’une centaine d’employés victimes de la soif de profit de l’entreprise qui les emploie. Entre manifestations bourdonnantes, blocus devant les portes des usines, affrontements avec les forces de l’ordre et disputes entre alliés, le combat d’Amédéo et de ses compagnons sera rempli d’embuches et poussera chacun à bout.

Ce qui fait la force de En guerre, c’est son réalisme. Caméra à l’épaule, Stéphane Brizé filme ses acteurs d’une façon très agressive, mais aussi très réaliste. La caméra passe d’un personnage à un autre, tourne sur elle-même, fait des gros plans, etc. Tout ceci donne l’impression au spectateur de faire partie du film. Il vit les débats entre les syndicalistes et les entrepreneurs. Il vit les bains de foules étouffants. Il vit le combat. Et là réside l’un des fondements même du cinéma : nous faire entrer dans l’univers qu’un film nous présente.

De loin, la foule représente l’élément le plus important de cette œuvre. Ce n’est pas qu’un simple élément de décor ou de scénario, c’est un personnage. Cette masse d’êtres humains qui hurlent, pleurent, s’écrasent ou se cognent contre les boucliers des CRS représente une véritable unité. Unité que l’on suit durant tout le film et que l’on voit évoluer. Des individus abandonnent le combat et se retournent contre les combattants qui eux-mêmes cherchent de nouveaux alliés. Le spectateur est lui-même coincé dans cette foule. Il est épuisé par ses cris, étouffé par les fumigènes, étourdi par le nombre incalculable d’êtres humains qui la composent mais est surtout abasourdi par une bande-son oppressante, stressante et écrasante. Ce n’est plus qu’un simple visionnage, c’est un combat, et on n’en ressort pas indemne.

Sans grande surprise, Vincent Lindon offre une interprétation sublime et percutante. Son jeu d’acteur est tel qu’il ne joue pas un syndicaliste, il est un syndicaliste. Cela est en partie dû à des dialogues très naturels et au jeu des autres acteurs, qui, pour la grande majorité, n’avaient jamais fait de films auparavant et improvisaient leur texte. La combinaison entre ce réalisme et la façon de filmer de Stéphane Brizé donne l’impression de visionner un documentaire, ce qui ancre profondément En guerre dans le réel. D’autant plus que le sujet qu’il traite est d’actualité et donne un tout autre regard sur les grèves, devenues bien trop courantes.

On pourrait toutefois reprocher à En guerre ses nombreuses longueurs qui sont pour la plupart des scènes de discussions entre les syndicalistes et les chefs d’entreprises. Bien-sûr, ces moments sont nécessaires à la narration et expliquent les motivations des personnages. Mais elles sont malheureusement compliquées à comprendre et il est très facile de perdre le fil. Les scènes montrant des affrontements sont elles aussi parfois trop longues, même si elles donnent une touche de réalisme supplémentaire au film. En effet, les combats les plus durs ne sont jamais les plus courts. Regarder En guerre, c’est se jeter dans un combat déséquilibré avec des hommes et des femmes qui ont tout à perdre. C’est ressentir le goût amer de l’injustice et de l’égoïsme qui sévissent en maître dans notre monde. C’est sortir d’un film épuisé et marqué. C’est se mettre à réfléchir sur la société dans laquelle nous vivons. Là réside toute la puissance du cinéma. C’est un art qui, en plus de divertir, pousse à la réflexion et nous enseigne. Et En guerre le fait à la perfection.

Nos batailles - Guillaume Senez

Critique par Zoé Borbély

Il est environ cinq heures du matin, Olivier, incarné sans faute par Romain Duris, part au travail dans la nuit. Là‑bas, les conditions sont mauvaises et il se démène chaque jour pour essayer de sauver ses employés. Mais le combat s’agrandit encore, le jour où Laura, sa femme, le quitte sans un mot, laissant derrière elle la maison et les enfants. Face à ce bouleversement, Olivier va devoir réapprendre à coordonner boulot et vie de famille.

C’est dans une douce simplicité que Guillaume Senez revient sur la question du rôle paternel qui va au fur et à mesure sortir de la pénombre, dans une complicité nouvelle avec ses enfants, et dont l’innocence, jouée magnifiquement, ramène à la lumière. Ce film harmonieux, bien que peu audacieux, nous laisse émus et plein d’espoir.

Lauréat du Jury des Jeunes

Gilles Lellouche et Sandrine Kiberlain dans "Pupille" (2018), lauréat du Jury des Jeunes

Présidé par l'écrivain, journaliste et réalisateur Thierry Luterbacher, cette année le Jury des Jeunes s'est prononcé en faveur du film Pupille de Jeanne Henry. Une histoire touchante sur l'adoption portée par un formidable duo d'acteurs: Sandrine Kiberlain et Gilles Lellouche. Sortie prévue le 5 Décembre prochain.

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