Kritik6. Oktober 2022

Les frères Dardenne à la limite du cinéma naturaliste dans «Tori et Lokita»

Les frères Dardenne à la limite du cinéma naturaliste dans «Tori et Lokita»
© Xenix Filmdistribution GmbH

Présenté au Festival de Cannes où il remporte le Prix anniversaire, les frères Dardenne n'auront pourtant pas fait l'unanimité. Entre misérabilisme et exploitation de la misère, voici pourquoi «Tori et Lokita» ne convainc pas.

(Critique d'Eleo Billet)

Frère et sœur d’exil, Tori (Pablo Schils) et Lokita (Joely Mbundu) ne se quittent plus depuis leur traversée de la Méditerranée. Arrivés en Belgique dans un centre pour mineurs requérants d’asile, iels enchaînent les petits boulots pour aider la mère de Lokita et deviennent dealer de drogue afin de rembourser leurs passeurs. Seulement, lorsque Lokita est en passe d’être renvoyée, elle doit être séparée de Tori. Malgré les risques, ce dernier part à sa recherche.

S’il n’y a qu’un pas entre montrer la souffrance pour susciter l’empathie et s’y complaire en détaillant chaque agression, ce pas, les Dardenne l’ont allégrement franchi dans «Tori et Lokita». Composé de deux parties distinctes selon l’approche des metteurs en scène, le film embrasse d’abord le naturalisme et ses plans-séquence au plus proche des sentiments des deux jeunes protagonistes. À la faveur d’un chant italien à valeur pécuniaire et de rires dans une chambre exigüe, la relation entre Tori et Lokita est empreinte d’un amour qui apparaît sincère, mais reste entachée de moult dialogues d’exposition poussifs.

Seulement, la seconde partie du film vire au thriller au grand dam de la crédibilité et achève de faire de ses personnages des symboles dépourvus de contrastes entre Lokita, martyre honteuse finalement sacrifiée, et Tori, sorte d’ange-gardien, hérité de son statut d’enfant-sorcier persécuté. Si les viols de Lokita sont ellipsés, toute autre forme de violence est répétée jusqu’à l’exécution finale dans une accumulation d’humiliations qui interroge le bien-fondé d’exposer et d’exploiter ainsi les souffrances d’une jeune femme noire migrante à l’écran. Même la critique sociale du mauvais accueil des migrant.es en Belgique est surannée, trop didactique et entre en contradiction avec la forme qui présente parfois Lokita comme voulant abuser du système en étant reconnue comme réfugiée.

La précarisation des mineur.es non-accompagné.es et leur captivité dans des réseaux où règnent violences sexuelles et drogue à l’épreuve de la solidarité sont des thèmes qui inspirent la colère de Luc et Jean-Pierre Dardenne. Mais leur dénonciation est bancale, se nourrit de stéréotypes et tombe dans la surexposition de la précarité et de la souffrance de leurs sujets.

2/5 ★

Au cinéma depuis le 5 octobre.

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