Interview

La parenthèse enchantée

Après une longue série de films dramatiques ou sérieux, Steven Spielberg s'offre avec «Arrête-moi si tu peux» une récréation en forme de course-poursuite véloce et ludique. Un bonheur.

La parenthèse enchantée

Q:Il paraît que le sujet d'«Arrête-moi si tu peux» vous taraudait depuis longtemps...A:Oui. Depuis douze ans, pour être précis.Q:Qu'est-ce qui a accéléré les choses?A:Ma rencontre avec le scénariste Jeff Nathanson. Il a réussi à écrire un scénario amusant et crédible sur cette histoire incroyable. La vie de Frank Abagnale, mon héros, est tellement folle... Pendant des années, il a escroqué tout le monde, et aujourd'hui, il est à la tête d'une agence de sécurité... Ce qui est étrange, c'est que plusieurs cinéastes se sont intéressés à sa biographie. Je l'ignorais... Au fil des ans, son livre a été vendu quatre fois! Mais personne n'y arrivait! Q:C'est curieux de faire suivre «Minority Report» par «Arrête-moi si tu peux»...A:Il n'y a, en effet, aucun lien entre les deux films. Les seuls thèmes qu'on retrouve parfois dans mes films sont ceux des foyers brisés ou du passé qu'on cherche à fuir. Pour une fois, je voulais faire un film léger, amusant, distrayant. Q:Qu'est-ce qui vous a attiré dans le personnage d'Abagnale?A:Il a une manière de se comporter qui ne ressemble à personne. En plus, j'adore les escroqueries. J'aime des films comme «Elmer Gantry le charlatan» avec BurtLancaster, ou encore «L'Arnaque»... Ce sont des héros qui sont du mauvais côté de la loi, mas on sympathise avec eux.Q:Vous pensez qu'un Frank Abagnale pourrait se promener aujourd'hui en toute impunité?A:Probablement. Mais il agirait d'une autre manière. La façon dont Abagnale opérait est très datée. N'oubliez pas que je relate des événements qui se sont produits il y a trente-sept ou trente-huit ans. Abagnale avait alors entre 16 et 18 ans! C'était un génie, dans son domaine. Q:Vous avez pris certaines libertés avec la vérité, quand même...A:Oui, bien sûr. Il y a des films où il faut faire ça. Il y a en d'autres, comme «La Liste de Schindler», où ce serait une mauvaise action. Dans «Arrête-moi si tu peux», tout ce que nous avons modifié, ajouté ou simplement renforcé obéissait à une question, une seule, que nous nous posions constamment: mais qu'est-ce qui fait courir Frank? Q:Qu'est-ce que vous avez changé?A:Des détails. J'ai gardé le personnage du père joué par Christopher Walken plus longtemps. Dans la vie de Frank, ce père n'a été que brièvement présent. En fait, une fois qu'il est parti de chez lui, Frank n'a jamais revu son père. Et on a un peu enjolivé les escroqueries... Pas beaucoup. Après tout, j'essaie de raconter une histoire qui plaît au public. Je ne fais pas un réquisitoire ou un documentaire. Q:Ce qui est intéressant, c'est que le personnage ne vit que pour se faire plaisir...A:C'est la raison pour laquelle j'ai choisi Leonardo Di Caprio. Il sait bien rendre ce côté charmant, gai, séducteur. En fait, je pense qu'on va redécouvrir Leonardo maintenant. «Titanic» a été un tel succès, qu'il lui a fait de l'ombre. Il est en train de se réinventer.Q:Vous avez commis une escroquerie, une fois...A:Ah oui! Quand j'avais dix-sept ans, je suis entré dans les studios Universal en me faisant passer pour un employé. À l'époque, je faisais des films en 8mm avec des copains, et je voulais être réalisateur. Un jour, j'ai mis une veste et une cravate, et j'ai passé les contrôles. Le lendemain, je suis revenu avec un attaché-case, et on m'a laissé passer. Je suis revenu pendant trois mois, tous les jours. J'ai mis mon nom sur la porte d'un bureau, et voilà. J'ai appris plein de choses sur le montage, sur le doublage, rien qu'en regardant les pros. Après toutes ces années, je travaille toujours pour Universal. Q:On dit que vous avez plusieurs projets?A:Actuellement, trois ou quatre, dont «Indiana Jones 4» et «Tintin». Le premier, je vais le faire très prochainement. Le second, je ne sais pas si c'est moi qui le mettrai en scène. On verra.

9 février 2003

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