Interview

Daniel Auteuil: pour le plaisir

Interview: François Forestier

Loin de la fiévreuse perversité qu'il explore magnifiquement dans le troublant Sade de Benoît Jacquot, Daniel Auteuil est un acteur simple, timide et surdoué qui réussit l'exploit de se renouveler à chaque fois.

Daniel Auteuil: pour le plaisir

Q:Comment avez-vous abordé le rôle du marquis de Sade?A:Sans problème. J'avais une vague connaissance du personnage, j'ai relu quelques-uns de ses ouvrages, mais ce n'était pas le plus important, car le film porte surtout sur l'immense écart entre l'homme et l'image qu'on se fait de lui. Le sujet du film n'était pas le sadisme. Si bien que j'ai abordé le personnage comme j'aborde tous mes rôles: tout est dans le texte, dans le scénario. L'énergie vient de là. Q:Quel est donc le vrai sujet du film?A:C'est l'idée que l'époque historique où il vivait était peut-être plus atroce que les actes qu'on lui reprochait.Q:Il n'y a pas de risque de jouer sur le même registre que d'autres mécréants, comme vous l'avez fait dans «Lacenaire»?A:Non. Chaque personnage a sa propre vie, son propre souffle. Je reviens toujours au texte qu'on m'a remis entre les mains. Après, c'est facile. Si le metteur en scène me demande de me mettre plus à gauche, je le fais. Plus à droite, je le fais aussi. Q:Vous aviez idée qu'un jour, vous seriez une star?A:Franchement, non. J'avais déjà assez de mal à faire le métier que je faisais: acteur. Je n'en vivais pas mal, mais il fallait assurer. Je ne sais rien faire d'autre, je ne suis capable de rien d'autre. Le reste, c'est de la chance. Q:La chance a commencé où, pour vous?A:Elle a commencé, je crois, avec «Jean de Florette», c'est le film qui a changé ma vie. Q:Avant, vous étiez spécialisé dans les comédies...A:Je ne renie aucun des films que j'ai faits. Je suis même prêt à tourner un «Sous-doués III». Mais il y a eu un moment, dans ma vie, où je me suis dit que je ne ferais plus de comédies. Je suis resté un an au chômage. Q:Quand vous avez eu le scénario de «Jean de Florette» et de «Manon des Sources» entre les mains, vous avez senti que le vent tournait?A:Oui. C'était un scénario formidable. Je savais que je pouvais habiter ce personnage. Q:Et...A:Et les premiers jours, j'ai eu du mal. Parce qu'il y avait le maquillage et les prothèses. J'avais un faux nez, un faux menton, et je n'arrivais pas à dépasser cette carapace. J'ai failli me retirer du film. Puis je me suis dit que je ne pouvais pas faire un truc pareil, et j'ai utilisé le masque, je l'ai envahi. Q:D'autres moments marquants, comme ça?A:Oui. La rencontre avec Claude Sautet. J'ai tourné deux films avec lui. C'est lui qui m'a appris à prendre de la distance, à me poser dans un personnage. Il a été, il est encore, l'un des hommes qui me sont le plus proches. Q:Vous tournez sans cesse. Pourquoi cette boulimie?A:D'abord parce que j'aime travailler. Ensuite parce que, au bout de deux mois de vacances, je commence à m'agiter.Q:Vous êtes angoissé?A:Très.Q:Vous suscitez des films?A:Non. Jamais je ne dirais à un metteur en scène que je souhaite jouer Jules César ou le général Patton. Je suis très satisfait des rôles qu'on me propose, et il y a du Jules César et du Patton dans certains d'entre eux. Q:Tirez-vous de la fierté de votre statut de star?A:Moi, non. Mais ma mère, oui. Mon père aussi.Q:Quel est l'acteur qui vous a le plus inspiré?A:Montand, pour sa faconde et sa chaleur. Et Mastroianni, avec lequel j'ai tourné «Pereira prétend», un film qui est resté une semaine à l'affiche. Mastroianni avait une légèreté, une façon d'aborder ce métier avec simplicité, que j'admirais. Q:Vous devez recevoir plein de scénarios?A:Pas mal, oui. J'essaie de trier. Jusqu'à maintenant, ça ne m'a pas mal réussi.Q:Aimeriez-vous jouer des grands rôles classiques?A:Oui, pourquoi pas? Mais j'aime beaucoup les films de cape et d'épée, comme «Le Bossu». Malheureusement, je suis trop vieux pour ca, maintenant. Q:Mais l'âge donne de la densité, aussi.A:C'est ce qu'on dit. J'essaie d'apprendre à vieillir en riant.

24 octobre 2002

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